38°5 Quai des Orfèvres : Le Silence des agneaux made in France

Panique quai des Orfèvres ! Un tueur en série, surnommé le Ver(s) Solitaire, sème des alexandrins sur des scènes de crime, causant terreur et confusion. Clarisse Sterling, une jeune enquêtrice enthousiaste, se voit confier cette affaire sous la supervision du légendaire commissaire Keller. Armée de 200g de chouquettes et d’un bel ananas bien placé, Clarisse doit jongler entre les bras cassés de la brigade criminelle et des énigmes tordues pour démasquer l’assassin… La mission impossible ne fait que commencer.

Le palmarès de Festival international du film de comédie de l’Alpes d’Huez 2023 a été l’occasion de mettre en avant les talents comiques de demain. À L’image de Brune MOULIN, prix d’interprétation féminine pour La Plus Belle Pour Aller Danser de Victoria BEDOS, le réalisateur Benjamin LEHRER a eu le privilège, quant à lui, de voir son premier long métrage, 38°5 Quai des Orfèvres, être récompensé du Grand prix de la 26ᵉ édition. Après avoir fait sensation en festival avec son court métrage Cendrillon du pied gauche, véritable pied de nez humoristique aux préjugés vis-à-vis des personnes en situation de handicap, Benjamin LEHRER revient avec une nouvelle comédie loufoque et déjantée qui ne laisse pas indifférent.

38°5 Quai des Orfèvres est une véritable lettre d’amour à l’humour absurde, trop souvent résumé aux derniers échecs qu’ont été les adaptations d’Aladdin avec Kev Adams. Benjamin LEHRER ici rend hommage aux cinémas d’ABRAHAMS et ZUCKER (Y a-t-il un pilote dans l’avion ?, Y a-t-il un flic pour sauver le président ?), non pas sans un véritable sens de l’humour transgressif. On peut retrouver un sens du rythme et du ressort comique que l’on peut comparer à des films comme Super-Héros malgré lui de Philippe LACHEAU, ou encore La cité de la peur.

38°5 Quai des Orfèvres
38°5 Quai des Orfèvres, un film de Benjamin Lehrer.

LE COMMISSARIAT COMME UN IMMENSE BAC À SABLE

Ce qui transparaît très vite, quand on regarde le film, c’est à quel point tout le monde prend du plaisir à être à l’image. Que ce soit Didier BOURDON en commissaire aux méthodes singulières, Pascale DEMOLON en tueur en série accro au sucre, ou même Artus en médecin légiste déconnecté de la réalité, tous se donnent à fond pour notre plus grand plaisir. On peut voir, à travers la mise en scène et surtout au niveau de la figuration, que le film offre la possibilité à tout le monde de s’exprimer et de s’amuser autant que nous avons plaisir à les regarder. Personne n’est mis de côté par rapport à un autre, car dans ce film, chaque rôle, même minime, a son importance.

Benjamin LEHRER lui-même, en tant que réalisateur, s’amuse derrière sa caméra et propose différentes expérimentations esthétiques. Il ose et n’a pas peur du ridicule, n’hésitant pas à employer un humour slapstick et cartoonesque qu’on a rarement l’occasion de voir traiter avec autant de bienveillance. À une époque où l’on nous pousse vers le cynisme quand il s’agit de faire rire, il est agréable de revenir à un humour plus simple et enfantin.

À coups de batte et de fusil, le réalisateur met à mal l’image policée et consensuelle des comédies françaises pour proposer un film original qui n’hésite pas à tâcher. Il va puiser, dans la folie de son meurtrier en série, des idées de mise en scène qui apportent de la vivacité et du dynamisme dans les scènes d’actions ou dans les assassinats.

38°5 Quai des Orfèvres
Clarisse Sterling (Caroline Anglade) et le commissaire Keller (Didier Bourdon), 38°5 Quai des Orfèvres.

L’ART DU PASTICHE REMIT AU GOÛT DU JOUR

Drôle et divertissant, le film pastiche Le Silence des agneaux de Jonathan DEMME, classique du thriller policier, ainsi que d’autres standards du genre policier comme Esprit criminel ou New York Unité Spéciale. Benjamin LEHRER agrémente son film de référence finement amenée à Top Chef ou à la Famille Bélier, et développe un univers absurde qui lui est propre.

Grâce à ses références très hétéroclites, non pas sans une utilisation cohérente et raisonnée, le film évite le piège de la facilité, et varie le ton du film pour toujours rester surprenant. On ne s’étonnera pas de passer d’une scène d’humour avec un véritable sens du verbe et de la réplique, à une scène de romance aux notes de thriller angoissant, ou bien d’une scène de drame français esthétisé, enchaîné d’une scène de meurtre particulièrement sordide.

38°5 Quai des Orfèvres
Assistant du légiste (Thomas Ailhaud), le commissaire Keller (Didier Bourdon), Clarisse Sterling (Caroline Anglade) et Le chef Philippe Etcheverest (Artus), 38°5 Quai des Orfèvres.

ABAT LA NORMALITÉ, VIVE LA SINGULARITÉ

Clarisse Sterling est confrontée au monde de la police judiciaire, parfois pour le meilleur, mais surtout le pire. Elle est amenée à être l’électrochoc qui fera changer un système défaillant, souvent même corrompu. Cependant, elle n’est pas amenée à être plus clairvoyante que les autres, dans une lignée des stéréotypes des films d’enquêtes. C’est parfois même tout l’inverse, dans une simplicité d’esprit assez touchante, la rendant très attachante.

On retrouve toute une continuité thématique avec Cendrillon du pied gauche, où l’on est confronté à des personnages handicapés ou qui peuvent occasionnellement être considérés comme en marge, mais qui arriveront à s’en sortir grâce à leurs différences et leurs confiances en eux. Tout le propos du film, comme Le Silence des agneaux, est de savoir s’ouvrir aux autres en s’acceptant tel qu’on est. On y sent une véritable patte d’auteur lorsque l’on sait que Benjamin LEHRER est lui-même atteint de handicap. Il accumule les casquettes de réalisateur et de scénariste, en plus d’être l’auteur de l’intégralité des dialogues. Cela amène une cohérence d’ensemble qui fonctionne et qui rend cette comédie aussi surprenante et rafraîchissante.

38°5 Quai des Orfèvres est une comédie aussi surprenante que divertissante, qui rend hommage au genre du pastiche sans jamais tomber dans la facilité. Un immense bac à sable créatif remplit d’humanité et de sincérité.

TITRE ORIGINAL : 38°5 Quai des Orfèvres
GENRE : Comédie
TECHNIQUE : Prises de vues réelles
DURÉE : 1h24
PAYS : France
DATE DE SORTIE FR : 21 juin 2023
RÉALISATION : Benjamin Lehrer
AVEC : Caroline Anglade, Didier Bourdon, Artus
PRODUCTION : Chabraque Productions & Carré Long Productions
DISTRIBUTEUR FR : KMBO

Konata Nekoyama aime

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