À l’occasion de la sortie de son premier film La Plus Belle Pour Aller Danser, nous avons eu la chance de rencontrer Victoria BEDOS. Ayant commencé sa carrière en tant que scénariste, notamment sur La Famille Bélier (2015), la cinéaste nous parle du défi de passer de scénariste à réalisatrice et de la genèse de ce long-métrage lumineux.
Comme toujours, cette interview est aussi disponible en version vidéo sur notre chaîne YouTube, Studio JM Production.
Avec La Plus Belle Pour Aller Danser, tu signes ton premier long-métrage en tant que réalisatrice. Quel a été le challenge pour toi de passer de scénariste à réalisatrice ?
Victoria BEDOS : Le défi, c’est de savoir diriger un plateau, des comédiens, choisir les bons costumes, choisir les bons décors, faire un montage, etc. C’est très complet ce métier de réalisatrice et c’est ça qui m’a excitée d’ailleurs. Quand tu es scénariste, tu as un tas de mondes en tête, mais ça reste coincé là-dedans. Avec ce film-là, j’ai eu la chance de mettre en action ce que j’avais dans la tête, de pouvoir fabriquer le film, et ne pas seulement le penser. Et ça, c’était très excitant ! J’ai adoré devenir réalisatrice !
Avec ce film, tu aborde des thématiques comme la famille (la relation entre Marie-Luce, son père et sa défunte mère), le harcèlement scolaire (l’impopularité de “Marie-Luce”) et ce camouflage identitaire que met en place Marie-Luce pour s’approcher d’Émile. Quelle est la genèse derrière cette histoire ?
Victoria BEDOS : Au départ, j’étais partie de la volonté de raconter le mal-être de l’adolescence. Enfin plutôt, ce moment où on ne sait pas trop qui on est ou qui on aime, on se cherche. Avec mon co-scénariste Louis PÉNICAUT, on a cherché à savoir comment le raconter de manière ludique. Puis on a trouvé cette idée de travestissement. D’ailleurs, tous les films de travestissement utilisent ce procédé-là qui est “Devenir quelqu’un d’autre pour se trouver soi-même”. Sauf qu’il fallait mettre en place tout ça de manière ludique via la comédie. Je n’ai rien inventé non plus, car je cite Marivaux puisque c’est comme ça qu’il travaille ces intrigues d’ailleurs. C’est ce qui a servi de première base donc, et ensuite, il y a eu la relation Père-Fille qui m’intéressait beaucoup !
Et c’est ce pourquoi Marie-Luce a du mal à se trouver des potes dans la cour de récré, c’est parce que son père ne la regarde pas forcément. Car son père a peur qu’elle grandisse et qu’elle lui échappe. Puis y a la thématique du deuil qui s’ajoute à ça et qui n’est pas exprimée. Et quand on ne dit pas les choses, ça pourrit et les relations familiales deviennent compliquées. Ensuite, il y a l’envie de devenir quelqu’un d’autre. Il s’avère que là, elle devient un garçon, car elle n’arrive pas être une fille, ou plutôt elle n’est pas aimée en fille, mais ne veut pas devenir un garçon. Ce travestissement, c’est vraiment un déguisement. Mais je pars du principe aussi que dans l’inconscient collectif, un gars, c’est plus fort qu’une fille. En tant que jeune fille, on est élevée pour être poli, gentille, réservée… Alors qu’un garçon lui va pouvoir prendre plus de place, et donc quand elle est en Léo, elle devient en quelque sorte une caricature masculine.
Qu’est-ce qui t’as tout de suite plu chez Brune Moulin pour lui confier le rôle ?
Victoria BEDOS : Ce qui m’as plus c’est qu’elle est douée et qu’elle a du talent ! Puis surtout elle correspondait à ce personnage que j’avais écrit, elle arrivait à avoir, à interpréter, cette double personnalité qu’est Marie-Luce. Une fille réservée, qui a du mal à aller vers les autres. Et Léo, mec charismatique que tout le monde regarde. Elle a réussi en casting à interpréter un même personnage avec deux personnalités bien distinctes, ça ce n’était pas donné déjà. Elle a le sens du rythme de la comédie, de la rupture, c’est quelque chose qui est compliqué ! Je peux aider à ça, mais si la personne n’en est pas capable non plus, c’est compliqué. Elle me touchait énormément dans le drame, et était vraiment crédible en garçon (avec le maquillage bien évidemment). Puis je crois qu’on a quelque chose en commun, c’est comme si je la reconnaissais. Je sais de quelle matière elle est faite, je la comprends, et ce fut un miracle de tomber sur elle.
Konata Nekoyama : Il y a tout de suite eu un lien qui s’est créé au-delà de la relation actrice/réalisatrice, beaucoup plus fort qui s’est créé derrière.
Victoria BEDOS : Oui, c’est ma petite quoi ! Maintenant, je veux la suivre, je veux tout faire pour qu’elle continue ce métier et j’ai énormément de tendresse pour elle !
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Parlons un peu de la production. Combien de temps s’est écoulé du développement jusqu’à la copie zéro ?
Victoria BEDOS : Wolala, très longtemps ! J’ai commencé en 2017, et j’ai fini de l’écrire en 2022, donc 5 ans à peu près. Ce film a pris particulièrement du temps. Après, La Famille Bélier, c’était 3 ans, ce qui n’était pas rien non plus. Là, on était dans une drôle de période aussi, il y a eu le confinement, j’ai eu un bébé, j’ai perdu mon papa… Tout ça à un peu chiffonné les choses. Mais bon, c’était le temps de ce film ! Que les choses se fassent aussi, et que je trouve la justesse, et la vérité de cette histoire. Il y a plein de petites choses dans le film qui font que tu dois trouver une harmonie entre le monde des anciens et le monde des jeunes, ça demandait pas mal d’ajustement pour que ça sonne juste.
As-tu un message à transmettre au public pour la sortie du film ?
Victoria BEDOS : La Plus Belle Pour Aller Danser est un film qui va vous faire du bien ! Non seulement, vous allez rire, vous allez peut-être pleurer, vous allez vous questionner. Alors, vous n’allez peut-être pas trouver de réponse, mais en tout cas, vous aurez envie d’aller parler à votre enfant, d’aller parler à votre père, votre grand-père, votre grand-mère. C’est un film qui ouvre les cœurs et qui donne envie de danser.
LA PLUS BELLE POUR ALLER DANSER de Victoria Bedos, avec Brune Moulin, Philippe Katerine, Pierre Richard et Loup Pinard, dans les salles françaises le 19 avril 2023 avec Universal Pictures France. Produit par Lionceau Films, Bidibul Productions et Frakas Productions.
Propos recueillis le 3 avril 2023 par Jonathan “Jojo Tout Cour” Guetta pour Konata Nekoyama / Studio JM Production. Transcription écrite par Arthur Winley. Remerciements à Daisy Spinau et Linda Redjdal de l’agence Happy Dayz, ainsi qu’à l’équipe d‘Universal Pictures France.