Un Automne à Great Yarmouth : L’horreur de la réalité

Octobre 2019, Grande-Bretagne, trois mois avant le Brexit. Tânia organise le travail, le transport et le logement des travailleurs immigrés portugais de l’usine de volaille de Great Yarmouth, dans le Norfolk. Flottant dans un monde où les bâtiments sont délabrés et les conditions de travail des ouvriers à l’abattoir particulièrement dures, Tânia apprend l’anglais en rêvant d’ouvrir un jour un hôtel pour y accueillir les touristes du troisième âge.

Marco MARTINS revient 7 ans après son film précédent, Saint Georges, présenté en sélection Orizzonti à la Mostra de Venise 2016. Il réalise Un Automne à Great Yarmouth, un drame social autour de la communauté portugaise vivant à Norfolk. Cette fois-ci, il est accompagné de Beatriz BATARDA, avec qui il avait déjà collaboré en 2005 dans son premier film Alice.

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LE VRAI VISAGE DU RÊVE PORTUGAIS

Tânia est une Portugaise pleine d’ambition. Elle se bat pour réaliser ses projets, mais doit aussi faire face à la dure réalité. En effet, si l’Angleterre est une terre de tous les possibles, celle-ci ne réussit qu’à ceux qui acceptent de faire des sacrifices. Si une vie meilleure existe, celle-ci se gagne souvent au détriment des autres. Un dilemme moral se pose alors à Tânia : elle doit choisir entre sa place dans la communauté et son propre bonheur.

Le film est porté par l’interprétation de Beatriz BATARDA, toujours sur le fil. Entre dureté et fragilité, elle montre un personnage au bord de l’implosion. Elle joue brillamment un personnage complexe, capable d’attiser la peur, le dégoût, ou l’admiration. Tânia aimerait ne pas avoir à choisir, car son bonheur tient autant à son projet d’hôtel, qu’au bien-être de ses “enfants”. Cependant, la saison de Noël approche… Les commandes de dinde se faisant de plus en plus nombreuses, les ouvriers de l’abattoir en pâtissent, et c’est elle qui en sera tenue responsable.

LES MAGNIFIQUES HORREURS DE GREAT YARMOUTH ?

Le récit broie souvent du noir, dans une descente aux Enfers qui n’offre que trop peu de possibilités de respirer, et pas assez de moments marquants pour dynamiser l’ensemble. Le rythme lent et assommant du film devient éprouvant, et on est finalement lassé du trop-plein de violence. Les journées de travail et les différentes bagarres communautaires s’enchaînent et se ressemblent, sans trop d’évolution.

On ressent presque, chez le réalisateur, un plaisir et une complaisance à filmer le calvaire de son personnage principal. De fait, la caméra est au plus près de l’horreur, filmant une femme se tordant de douleur au milieu d’un abattoir, ou vomissant dans les vestiaires. On voit par ailleurs tout un travail minutieux sur la lumière afin de montrer Great Yarmouth sous son plus mauvais jour. Cette fascination pour la misère va jusqu’à filmer des dindons en train de se faire tuer, ainsi que leurs têtes réagissant post mortem. Cette démarche vient renforcer le propos de fond du film sur le bonheur qui s’obtient au détriment des plus faibles. Ainsi, là où les ouvriers obtiennent à manger et un endroit où dormir en échange du meurtre de dindons, Tânia accepte d’imposer aux travailleurs des conditions de travail inhumaines dans l’espoir de réaliser son propre rêve.

Un Automne à Great Yarmouth est techniquement irréprochable. Ce film offre à son actrice principale un très beau rôle, mais qui n’est pas franchement agréable. Le ton beaucoup trop lourd et la surenchère du film rendent son visionnage éprouvant. Il perd ainsi en efficacité et en simplicité. On finit alors perdu et déstabilisé devant un film qui n’est pas clair sur ses intentions, et attise plus le dégoût que la sympathie.