Past Lives – Nos vies d’avant : Vous connaissez le inyeon ?

À 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. À 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. À 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.

Avec Past Lives – Nos vies d’avant, la cinéaste Celine Song signe un premier long-métrage beau et bouleversant sous le signe des relations platoniques et indéfinissables. Bien que le pitch puisse faire penser à une histoire d’amour, il n’en est rien. Le film de Celine Song, inspiré d’une histoire vraie vécue par la cinéaste elle-même, met en avant les destins distincts de deux êtres : Nara et Hae Sung. Deux amoureux d’enfance, que tout semblait lier, mais qui, par les va-et-vient du destin, finissent par vivre chacun leur vie, à plus de mille kilomètres d’écarts.

Vous connaissez le inyeon ?

Pour comprendre Past Lives, il est important de comprendre le principe du inyeon (인연). Ce mot, originaire de Corée du Sud, renvoie au lien qui unit deux personnes et leur connexion émotionnelle. En quelque sorte, le inyeon est intimement lié à la providence et au destin. Un inyeon, c’est lorsque deux inconnus se croisent dans la rue ou que leurs vêtements s’effleurent, même accidentellement, cela signifie qu’il y a eu quelque chose entre eux dans une vie antérieure. Et se marier avec une personne signifie qu’il y a eu 8 000 couches de inyeon avec elle, au cours de 8 000 vies. Et comprendre le inyeon, c’est comprendre le long-métrage de Celine Song.

Nos vies d’avant

Past Lives nous conte le destin mélancolique de Nara et Hae Sung au cours de cette vie. Amoureux d’enfance, tout était fait pour qu’ils finissent ensemble. Cependant, pourtant, encore en primaire, Nara finit par partir à Toronto avec sa famille, tandis que le jeune Hae Sung, lui, continue sa vie en Corée, pensant, jour après jour, à celle qu’il a aimé… Mais le fil du destin leur réserve encore bien des surprises.

Le film est porté par ses trois protagonistes : Nara, Hae Sung, ainsi qu’Arthur, le futur mari de Nara. Celine Song joue sur les barrières de la langue, du temps et surtout sur le découpage narratif du film pour nous conter, avec délicatesse, le destin de ces deux âmes qui s’interrogent sur cette vie qu’ils auraient pu mener ensemble.

L’une des forces de Past Lives, c’est son découpage. Le film se divise en trois parties distinctes où nous suivons les personnages à chaque phase de leurs retrouvailles. Tout naturellement, le film commence aux bases, en primaire, où nous suivons l’amour naissant entre Nara et Hae Sung, jusqu’à leur séparation forcée. Puis, nous les retrouvons à 20 ans, de nouveaux en contact à distance durant une longue période. Enfin, nous les retrouvons à 30 ans, adultes, probablement pour la dernière fois.

Chacune de ces parties nous offre des moments délicats et intimes entre ces deux amoureux platoniques. La délicatesse des dialogues s’associe à la mélancolie de ces retrouvailles qui ne sont autre que le fruit du destin. Et c’est là où le film de Celine Song excelle avec brio.

Dans une autre vie… Peut-être ?

Ce ne serait qu’une grosse erreur de voir Past Lives comme une histoire d’amour où l’unique but serait de savoir avec qui Nara va finir, entre Hae Sung et Arthur. Ne vous attendez pas à un retournement amoureux ou autre deus ex machina… La cinéaste nous conte sa vie telle qu’elle l’a vécue, entre son amour de jeunesse et son mari d’aujourd’hui. Et c’est là que le film trouve tout son intérêt : comment la vie les a-t-elle menés jusqu’ici, et surtout, comment le fil du destin va jouer sur leur avenir.

Une question d’autant plus pertinente lors de leur retrouvaille à 30 ans, où Hae Soung retrouve Nara à New York durant la troisième partie du film. Bien qu’aucun rapprochement amoureux n’ait lieu, il est impossible de ne pas voir une certaine tendresse et une profonde mélancolie dans leurs dialogues, leurs gestes ou encore leurs regards… « Et si ? », est la seule question que le spectateur et les personnages seraient en droit de se poser.

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Celine Song nous conte son histoire

Du côté de la réalisation, le film arrive aisément à nous transporter dans cette histoire avec son rythme adapté, ni trop lent, ni trop rapide, comme la vie. On y suit avec enthousiasme les différentes étapes de la vie des personnages. Que ce soit dans la réalisation, les plans ou encore le montage, impossible de ne pas y ressentir la mélancolie dégagée par le vécu de Celine Song, qui signe ici la réalisation, mais également le scénario.

Past Lives nous offre par ailleurs des plans d’une beauté simple au premier abord, mais qui sont pourtant brillants de symboliques. On pense notamment au dernier plan de leur enfance (Cf. : première capture) symbolisant les chemins qui se séparent. Ou encore à la séquence du bar, où Nara se retrouve entre son amour de jeunesse, Hae Sung, et son mari, Arthur, symbolisant les deux vies que la jeune femme a, ou aurait pu avoir. Et bien sûr, impossible de ne pas penser à la séquence finale, le climax entre Nara et Hae Sung, intense en émotions. Une scène “d’adieu” d’une rare beauté, comme nous en voyons peu.

Il n’y a peut-être pas eu assez de couches de inyeon entre eux. Et si la prochaine vie était la bonne ?

Avec Past Lives, Celine Song signe une pépite intense en émotions où chaque être se retrouvera parmi les différents personnages. Pure ode au destin et à nos vies antérieurs et futurs, Past Lives n’est définitivement pas une histoire d’amour. Elle conte l’histoire de deux êtres qui auraient pu l’être dans une autre vie. Pas celle-ci, mais probablement la suivante. Avec une réalisation douce et mélancolique, Celine Song nous fait découvrir avec son vécu, le inyeon, ce fil du destin Coréen.