La Base : C’est ça la vie de taxi

Munis des caméras de leurs smartphones, des chauffeurs de taxi parisiens font la chronique de la Base Arrière Taxi, gigantesque centre de transit isolé aux abords de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Ici, de plus en plus de chauffeurs vieillissants venus des quatre coins du monde passent de longues heures à attendre d'être dispatchés dans les terminaux. Ici, ils trouvent refuge contre la fatigue et la concurrence féroce de la métropole. Ici, suspendus dans l'espace et le temps, ils entretiennent une vie communautaire pour échapper au déclin de leur métier et à l'évolution du monde.

Après son premier court-métrage Dirty Business en 2015, le cinéaste Vadim Dumesh signe son premier film documentaire avec La Base. Émouvant et authentique, nous découvrons le quotidien isolé, voire invisible d’hommes et de femmes issues des quatre coins du monde, réunis à quelques kilomètres de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

La Base : un monde isolé et invisible

Le documentaire de Vadim Dumesh nous invite à suivre précisément le quotidien de trois chauffeurs de taxi, parmi les 1 500 qui nourrissent cet immense local à ciel ouvert : Ahmad, Jean-Jaques et Mme. Vong. Chacun, à leur manière, nous fait découvrir une approche différente de cette Base Arrière Taxi. Le film, dont l’authenticité est le point fort, nous montre le quotidien, les inquiétudes et les nombreux combats quotidiens de ces chauffeurs de taxi, qui arpentent parfois jusqu’à 11h de travail par jour.

La Base arrive à nous partager, à travers ses trois points de vue différents, le quotidien d’un lieu isolé du monde où vivent presque en une certaine harmonie, des hommes et des femmes de nationalités et religion différentes, venus des quatre coins du monde. Nous sommes quasiment en admiration devant ces personnes qui arrivent, malgré tout, à vivre et à nourrir leur passion hors route.

Le film de Vadim Dumesh n’hésite pas à nous montrer une réalité invisible. Entre les espaces de vies communes se dessine aussi cette guerre constante contre les VTC. Impossible d’oublier cette séquence dans laquelle les chauffeurs partagent en haut-parleur leurs échanges avec des démarcheurs Uber. Des échanges réalistes et lunaires, dont les propositions d’Uber frôlent jusqu’à l’illégalité.

C’est une bonne situation, chauffeur de taxi ?

Est-ce que La Base répond à cette question ? Pas directement du moins ! Cependant, impossible de ne pas partager l’inquiétude commune partagée par cette communauté. En effet, malgré l’expansion et le déménagement de la base au milieu du film, Ahmad, Jean-Jaques et Mme. Vong évoquent tous la disparition du métier. Nous pourrions presque qualifier le film de militant pour la conservation d’un métier aussi essentiel pour l’économie et le tourisme. Et si ce ne sont pas les VTC qui mettront à terre ce cœur de métier, c’est peut-être l’absence d’une nouvelle génération qui s’en occupera… En effet, le film nous partage également cette inquiétude d’une nouvelle génération inexistante. Tel un village de campagne, majorité sont les cinquantenaires, voir les soixantenaires, qui quittent le métier à l’approche de leur retraite.

• Facebook
• Twitter
• YouTube
• Twitch
• Threads
• Instagram

Une réalisation authentique

Comme vous vous en doutez, La Base ne brille pas par l’esthétique de sa réalisation. Nous saluons, en effet, le choix du réalisateur de privilégier l’authenticité du récit et des interventions au détriment d’une quelconque beauté visuelle et sonore. Le documentaire est filmé au téléphone ; Vadim Dumesh, mais aussi, Ahmad, Jean-Jaques et Mme. Vong se sont ici prêtés au jeu de capturer leur réalité à des fins d’archivage. On se retrouve donc avec un patchwork de plusieurs points de vue, entre la vie privée des chauffeurs et les plans panoramiques de l’aéroport. Bien sûr, certains plans peuvent donner mal au crâne tant les cadres tremblotant nous font voir double au bout de dix secondes… Mais cela contribue au charme de cette immense archive riche et mélancolique de 72 minutes.

Évidement, le film n’est pas parfait, il aurait notamment gagné à avoir quelques sous-titres pour qu’on puisse saisir certains propos. Ou même à avoir un accompagnement musical, aussi léger soit-il. Cependant, La Base reste un documentaire riche, qui nous fera voir d’un autre œil le quotidien d’un métier essentiel, mais hélas bourré d’inquiétudes sur son avenir, le tout, avec authenticité et mélancolie.

Avec La Base, Vadim Dumesh nous offre un portrait authentique d’hommes et de femmes de l’ombre. On y découvre avec une certaine mélancolie le quotidien, la réalité et les combats de cette Base Arrière Taxi et ses 1 500 âmes qui la font vivre chaque jour. Au fil des 72 minutes du documentaire, nous sommes invités à découvrir cette communauté au travers du cadrage improvisé de chauffeurs tels qu’Ahmad, Jean-Jaques et Mme. Vong. Bien que La Base ne brille pas par la beauté esthétique de sa réalisation ; néanmoins, elle brille par son réalisme et son authenticité.

La Base, un film de Vadim Dumesh.