May December : Imite-moi si tu peux

Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.

Pour son nouveau film, Todd Haynes nous embarque dans le sud des États-Unis avec Natalie Portman et Julianne Moore dans May December. Troublant, étrange et bourrée de tensions, le cinéaste confronte les deux actrices dans un jeu d’imitation sur fond de scandale passé, sous un angle volontairement instable.

se glisser dans la peau d’une autre

May December met en avant la confrontation entre Elizabeth, une actrice à succès, et Gracie, qui a provoqué un scandale médiatique en ayant une relation avec Joe, alors qu’il n’avait que treize ans. Un scandale donnant cependant naissance à une famille qui a tant bien que mal survécu à ce tapage médiatique, même vingt ans après. Mais quel est le rapport entre ces deux femmes ? Ni plus ni moins qu’un projet de film centré sur cette affaire.

Pour connaître et cerner au mieux le personnage qu’elle va devoir incarner, Elizabeth décide de se rendre à Savannah, se rapprocher au mieux de Gracie. Bien que fiction, le film prend presque une tournure d’enquête, où chaque individu et témoins, liés de près ou de loin à cette affaire, vont être questionnés. Famille, amis, professeurs… Toutes les personnes interrogées par le personnage de Julian Moore vont dévoiler à la comédienne, comme au spectateur, des éléments clés à l’origine de cette relation.

À lire aussi : Anatomie d’une chute : L’autopsie d’une Palme d’or

Atmosphère pesante à Savannah

Malgré les apparences, une atmosphère pesante règne en maître tout au long du film. Une atmosphère portée, nulle autre que par la présence d’Elizabeth et ses nombreuses questions, qui vont radicalement troubler, voire chambouler les fondements du couple Gracie et Joe, après vingt ans de déni et obsession, refoulés avec des gâteaux et des fleurs…

Mais non content de jouer sur cette tension omniprésente entre certains personnages (Elizabeth et Gracie ou encore Joe et son père), May December joue avec les sentiments du spectateur à travers son intrigue. En effet, Todd Haynes jongle avec notre foi envers les personnages. Lorsqu’on fait confiance à Elizabeth ou Gracie, on découvre comment chacune s’utilise mutuellement pour servir leurs intérêts. Notre confiance en elles s’en retrouve constamment ébranlée, malgré les tournants et va-et-vient de l’intrigue.

Une réalisation subtile

Avec une réalisation pouvant paraître simple d’un premier abord, Todd Haynes mise tout sur une mise en scène millimétrée et pleine de subtilités. Ici, rythme lent, pas de plans faramineux ou dynamiques, May December s’en passe largement. Car au cœur du film : les personnages, leurs dialogues et leurs actions nourrissant à la fois les besoins d’informations d’Elizabeth, et de surcroît, le film.

Enfin… Même si le film reste très sobre dans sa réalisation, impossible de ne pas noter les touches volontairement dramatiques qui n’ont aucunement leur place ici. On pense notamment à des mélodies et des zooms dramatiques, par-ci et par là… Renforçant, d’une certaine manière, cette sensation que rien n’est pourtant à sa place dans cet univers. Sans exception.

Todd Haynes nous livre avec May December, un film singulier et tout en subtilité. Pouvant paraître simple au premier abord, le film joue avec les sentiments et la confiance du spectateur vis-à-vis de ses personnages, interprétés avec brio par Natalie Portman et Julianne Moore, toujours aussi exceptionnelles. Telle une balle de tennis traversant le terrain de part en part, le cinéaste prend un malin plaisir à nous forcer d’adopter un nouveau point de vue à chaque action ou dialogue de ses protagonistes. Le tout dans un univers plein de tensions où définitivement rien ne semble être à sa place… Scandale d’antan ou non.