Sarajevo, de nos jours. Asja, 40 ans, célibataire, s’est inscrite à une journée de speed dating pour faire de nouvelles rencontres. On lui présente Zoran, un banquier de son âge. Mais Zoran ne cherche pas l’amour, il cherche le pardon.
Pour son nouveau long-métrage, Teona Strugar MITEVSKA nous emmène dans un univers d’après-guerre, plus précisément celle des guerres de Yougoslavie avec L’homme le plus heureux du monde. Un film choc et marquant mettant en avant les conséquences sociales et post-traumatiques de ce qu’on appelle aussi la guerre des Balkans. Bien qu’assez classique dans sa narration et sa mise en scène, ce film se démarque par ses personnages et ses sujets de sociétés parfaitement ancrés dans son récit.
La vie après la guerre
Le film commence timidement en montrant les deux protagonistes au cœur du film. Asja (Jelena KORDIĆ KURET) et Zoran (Adnan OMEROVIĆ), deux êtres que tout semble presque opposés. L’une est une femme souriant à la vie, et en quête de voyages. L’autre est une personne nerveuse, pas très causante et profondément torturée. Nos deux âmes se retrouvent embarquées dans une journée de speed dating. L’une est en quête de son âme-sœur, mais l’autre… ne cherche ni l’amour, ni le bonheur, mais le pardon.
Dès les premières minutes, cette journée de speed dating commence. Tel un Squid Game de l’amour, nous commençons avec les questions de présentations entre les “futurs” couples. Le spectateur est témoin, avec stupéfaction et non sans une certaine gêne, à un échange ping-pong qui devient malaisant au fil des questions. Comme si nous étions face à une bombe à retardement, où le compte à rebours aurait commencé bien avant la rencontre entre Asja et Zoran, lors de la guerre des Balkans.
Avec sa narration et sa tension constante, Teona Strugar MITEVSKA arrive à nous mettre à la place des personnages et à comprendre leurs émotions. Au fil du récit, nous découvrons les raisons qui ont poussé Zoran à rentrer en contact avec Asja après cette guerre.
En quête dU bonheur
Comme Asja et Zoran, nous sommes enfermés comme des rats de laboratoire dans un espèce de huis clos. À travers des expériences de compatibilités et d’interactions amoureuses, nous découvrons les sujets divers de la guerre, encore d’actualités. Des sujets qui, comme des flashbacks, permettent à Zoran et ses crises nerveuses d’expliquer les raisons qu’ils l’ont poussés à revoir Asja. Ses raisons : son implication dans la guerre qui a profondément porté atteinte à Asja durant sa jeunesse. Une rencontre entre la victime et son agresseur, 20 ans après.
Petit à petit, à travers un subtil jeu de vas-et-viens émotionnel, la réalisatrice joue avec la psychologie de ses personnages. Entre craquages, révélations, prise de conscience et quête de soi-même, le spectateur sera témoin d’une journée qui changera fondamentalement Asja et Zoran.
Bien sûr, au-delà de Zoran et Asja, cette journée de speed dating est composée d’une vingtaine d’autres personnes. Nous découvrons une galerie de personnages aux points de vue différents, contrastant avec une espèce de xénophobie normalisée et une peur d’autrui. L’une des conséquences sociales de la guerre.
Une mise en scène à l’image du propos
Avec sa mise en scène composée de gros plans, la cinéaste accentue la mise en avant du stress, de l’angoisse et surtout la pression que ressentent les personnages. La narration lente est constante, mais arrive à se permettre des moments nerveux, de fantasme et de fantaisie. On peut notamment citer les coups de colère de Zoran ou encore la séquence de danse de Asja représentant une certaine sensation de libération. Impossible de ne pas évoquer cette séquence choc où l’ensemble des participants du speed dating règlent leur compte avec Zoran. A partir de cet instant, la stupéfaction envahit le spectateur qui assiste à une scène d’inhumanité profonde.
Au-delà de la mise en scène et de la réalisation globale, le montage lent et sans musique accompagne parfaitement le propos. Seul accompagnement sonore, les bruitages et le sound design globalement parfait. La réalisation est simple, sans risque, mais se permet des compositions et des plans magnifiques. Ces derniers mettent parfaitement en avant l’enfermement physique et psychologique qui pèsent sur les personnages. L’homme le plus heureux du monde est un film simple. Mais il arrive à cerner le spectateur et à l’enfermer dans un récit passionnant, et surtout authentique.
Bien que simple, L’homme le plus heureux du monde est une comédie noire prenante et terriblement passionnante. Basé sur une histoire vraie, le film choc et marque là où il faut. Jelena KORDIĆ KURET et Adnan OMEROVIĆ forment ici, un duo absolument remarquable. Bien qu’il puisse paraître un peu long et lent, ce film de Teona Strugar MITEVSKA ne laisse pas indifférent.
TITRE ORIGINAL : Najsrekjniot Chovek Na Svetot
GENRE : Drame, Romance
TECHNIQUE : Prise de vues réelles
DURÉE : 1h35
PAYS : Macédoine du nord
DATE DE SORTIE FR : 22 février 2023
RÉALISATION : Teona Strugar Mitevska
AVEC : Jelena Kordić Kuret, Adnan Omerovic, Labina Mitevska
PRODUCTION : Sisters and Brother Mitevski Production
DISTRIBUTEUR FR : Pyramide Distribution