Madman Intégrale 2 : La confirmation d’un talent

Après avoir poursuivi des robots dans les tunnels de Buzztown, Frank Einstein alias Madman et sa petite amie, Jo, partent rejoindre le cirque Bing-a-Ding pour une croisière mouvementée où il se retrouve accusé de meurtre ! Ce n’est que le début de péripéties au cours desquelles le héros va croiser la route du Blast, un terroriste surpuissant, de Chow Skip-Wang, agent du Tri-Œil, et de Facteur Max, une intelligence artificielle redoutable, tout en se voyant prêter main-forte par l’agent du B.P.R.D. Hellboy et Big Guy, le robot au service de l’armée !
Issu de l’imagination sans limites et du trait singulier du scénariste-dessinateur Mike Allred (X-Statix, Silver Surfer), Madman est l’une des institutions du comic book indépendant depuis plus d’une trentaine d’années. Cette intégrale en douze volumes propose la totalité des mini-séries et séries régulières consacrées au héros ainsi que les titres dérivés du « Madmaniverse ». Dans ce tome, aux côtés des numéros 3 à 10 de la série publiée chez Dark Horse, vous pourrez découvrir les premiers pas de Mike Allred en tant qu’auteur de comics via l’œuvre de jeunesse They!, réalisée dans les années 1980 avec son frère, Lee, et mise en couleur pour l’occasion par son épouse, Laura.

UN DÉBUT DE DÉCENNIE RICHE EN TALENT

Deuxième intégrale de Madman chez Huginn & Muninn. Si la première nous livrait des épisodes n’ayant que peu de fil rouge, la faute à des complications éditoriales, cette seconde s’avère plus fluide. On suit ce qu’il en était avec les derniers épisodes du précédent tome. Et tout s’enchaîne naturellement. Il faut dire que cette deuxième intégrale se compose d’épisodes ayant tous été édités chez Dark Horse. Un changement qui s’avère salutaire et permet au personnage de rencontrer les personnages phares de l’écurie. Ce tout début des années 90 chez Dark Horse, c’est l’Image Boys avant l’heure. Frank MILLER ou Mike MIGNOLA explosent et permettent à la firme de se faire une plus grande place sur le marché des comics.

UN ÉDITEUR MAJEUR : DARK HORSE

Et il y a une forte ébullition de talent à cette époque. Sin City vient finir d’enfoncer le clou du comics noir et sombre. Une voie ouverte par le Watchmen d’Alan MOORE dix ans auparavant. Le Dark Knight Returns de Frank MILLER y a aussi beaucoup contribué. C’est alors que Mike MIGNOLA lance son Hellboy qui ouvre la voie à un univers étendu tentaculaire, Geoff DARROW lance son Big Guy… Bref, les grands noms du comics indépendant et des comics cultes, sont publiés chez Dark Horse. Et le Madman de Mike ALLRED obtient aussi ses lettres de noblesses. Au point de croiser plusieurs personnages de la firme au cours de ce tome. Et ce sans perdre de vue son univers décalé et à la croisée des chemins des comics de KIRBY et des œuvres plus dures post Watchmen1.


1 : Il est communément admis que Watchmen est le comics qui a fait entrer les super-héros et le comic book en général dans une ère plus sombre. Les super-héros ont alors des parts d'ombre plus présente. La fin d'un certain manichéïsme super-héroïque qui était une petite révolution à son époque. Watchmen est publié en France par Urban Comics et date de 1985 aux USA.

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UN COMIC BOOK VITRINE

Comme précisé plus haut, ces épisodes font intervenir des personnages fort de l’éditeur. Et si Hellboy reste plutôt au second plan, Big Guy de MILLER et DARROW occupe une place plus importante. On pourrait même y voir un certain paternalisme bienveillant de la part de l’auteur de Sin City envers la nouvelle figure montante de l’indé. En effet, Big Guy, dont les dialogues sont écrits par MILLER, s’adresse à Madman en utilisant les termes “fils” ou “p’tit gars”. (Son ou Kid dans la langue de Shakespeare). On y voit Madman chercher la bagarre avec Big Guy. Un quiproquo classique qui forme la rencontre de plusieurs héros de comics. Big Guy lui reste patient, calme et réconfortant. De là à y voir une forme d’instruction et de guide de MILLER envers ALLRED, il n’y a qu’un pas.

Il faut dire qu’en 1994, Dark Horse crée le label Legend regroupant les plus grands talents de l’époque. Frank MILLER, Walter SIMONSON, John BYRNE ou encore Arthur ADAMS forment le noyau dur de ce label. Ironiquement, il fut un temps envisagé d’appeler ce label “Dinosaurs”. Dans ce label, des nouveaux venus ayant déjà une certaine notoriété se joignent à eux. C’est le cas de Mike ALLRED dont Madman commence à faire beaucoup de bruit. Il est donc logique de penser que ces grands noms ont guidé la star en devenir quant à l’écriture de ses scénarios.

AMBIANCE 50s ET RÉFÉRENCES DE SON TEMPS

DE LA CULTURE ASIATIQUE 50s ET 60s

Comme nous le voyions dans la chronique du premier tome, Madman a son ADN propre. Il est totalement ancré dans l’univers pop, SF et horrifique des années 50 et 60. Ces épisodes 3 à 10 de la série Madman Comics ne dérogent pas à la règle. Son bestiaire extraterrestre et robotique faisant pour beaucoup penser au Hollywood de cette époque. Tout comme Big Guy (pourtant une création externe à Madman) rappelle pour beaucoup Robbie The Robot de Forbidden Planet (Fred McLEOD WILCOX, 1956, MGM).

Mais les robots introduits au tome précédent prennent beaucoup plus de place ici et ne sont pas sans rappeler Astro Boy. Ce manga d’Osamu TEZUKA existe depuis 1952. Mais il a retrouvé une seconde jeunesse en 1980 au Japon avec sa deuxième série animée. Celle-ci est diffusée aux USA sur CBS, entre autres, à partir de 1986 et connaîtra un succès d’estime.

… AU CINÉMA HONG KONGAIS

Les références à la culture asiatique ne s’arrêtent d’ailleurs pas aux productions nipponnes. La fin des années 80 voit le cinéma d’Hong Kong envahir le monde. Majoritairement via la VHS qui donne une seconde vie aux productions passées inaperçues. Le cinéma d’horreur et de série B est un des vainqueurs de cette exploitation grandissante. Mais ceux qui bénéficient le plus de cette nouvelle visibilité sont des cinéastes sino-hongkongais qui sont maintenant des stars internationales. John WOO, Ringo LAM ou Tsui HARK sont de ces réalisateurs qui bénéficient désormais d’une aura de sainteté et ont percé avec un cinéma d’action ou d’aventure.

Parmi les acteurs profitant de cette nouvelle notoriété, on trouve Chow YUN-FAT qui se retrouve croqué dans quelques épisodes. Rebaptisé Skip Chow-Wang, ce personnage bénéficie tout de suite de la sympathie de notre héros. Et il semble parti pour devenir un personnage récurrent de la série.

UNE QUÊTE DE SOI

Mais au-delà des références culturelles de Madman, on trouve aussi les thématiques inhérentes à ce que nous raconte son auteur. Un personnage hybride, ramené à la vie et n’ayant pas de souvenirs de qui il est. Pour trouver quelques réponses à ces questions, et sans nous les donner, ALLRED apporte une dimension presque métaphysique avec divinités et une destinée à accomplir. Bien sûr, cette destinée amène notre héros à vivre des aventures toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Que ce soit un affrontement avec un personnage transformé en sorte de “blob” de vomi, des aliens de petite taille en voulant à la terre entière ou des armées de robots fous… Madman c’est une liberté créative folle. Une liberté qui se ressent d’autant plus quand les comics de licence actuels sont dans un immobilisme déprimant.

Ces aventures confrontent tous les personnages rencontrés lors des premiers épisodes et donnent un corps au tout. Le Dr Boiffard en est le personnage central alors qu’il ne peut s’exprimer autrement que par des sons inintelligibles. Les aventures de Frank n’ont d’ailleurs aucun temps mort. Il passe d’une péripétie à l’autre, mais avec une continuité logique dans les évènements. Et quand bien même lui et sa bien-aimée Jo cherche à se reposer, ils se retrouvent, malgré eux, pris dans une aventure les éloignant de leur objectif.

DEUX COMICS EN DISANT LONG SUR UN ÉDITEUR

Et c’est ce qui rend ce tome presque plus agréable à lire que le précédent. Madman devient alors peu à peu un personnage majeur des comics. Et c’est un bonheur que de voir un éditeur français nous offrir l’accès à ce reflet de ce qu’était l’industrie des comics à cette époque. Il est même quasiment “amusant” de voir ce bouillonnement de culture mis en avant avec bienveillance. Surtout quand deux ans plus tard, Barry WINDSOR-SMITH publiera l’un de ses derniers chefs-d’œuvre avec forte dose d’amertume quant à l’éditeur. Un brûlot étant une énorme blessure pour cet autre scénariste / dessinateur que vous pouvez retrouver dans la chronique de Young Gods.

En guise de bonus à cette deuxième intégrale de Madman, vous trouverez son premier écrit. Épaulé par son frère et mis en couleur a postériori par sa femme, ce They! est un brouillon maladroit de ce qui fera le sel de l’auteur. Et malgré ces maladresses et une écriture encore peu maîtrisée, on sent bien le génie de l’artiste commencer à percer. Une minisérie qui n’a de valeur qu’historique quant à l’auteur et qu’il est intéressant de lire en tant que tel.

Cette deuxième Intégrale de Madman est une confirmation du talent de Mike Allred. Un talent mis au service de son personnage qui prend de plus en plus vie et devient de plus en plus intéressant et héroïque (bien souvent malgré lui). Un tome à lire si l’on aime les comics indépendants d’avant Image Comics, Mike Allred ou tout simplement si l’on a envie de lire une histoire en dehors du temps (ou presque) et le tout formidablement servi dans un beau livre et au travail éditorial de Yann Graf tout aussi soigné. Une petite pépite de plus chez cet éditeur donc.

TITRE ORIGINAL : Madman Comics
GENRE : Comics, Sci-Fi, Aventure
PAYS : États-Unis
ÉDITEUR ORIGINAL : Dark Horse
AUTEUR : Mike Allred
ILLUSTRATEUR : Mike Allred
COLORISTE : Laura Allred
ÉDITEUR FRANÇAIS : Huginn & Muninn
 © 1990, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 2021, 2022, 2023 Michael Allred.

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