Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.
Après un premier volet exaltant, adaptant la moitié du premier volume de l’œuvre éponyme de Frank Herbert, Dune est de retour pour marquer les esprits avec un second volet plus magistral que jamais. Suite directe du premier film, Dune : Deuxième Partie, reprend l’ensemble des éléments marquants de sa première partie, tout en corrigeant certains défauts tels que les problèmes de rythme, pour nous offrir ici, 2h46 de grand cinéma ! Cette critique contient de légers spoilers.
LES CROYANCES COMME ARME POLITIQUE
Pour commencer, si Denis Villeneuve est un champion de la narration visuelle, les dialogues n’en ont pas moins leur importance, à l’image d’une réplique de Chani, brillamment interprétée par Zendaya : « Si tu veux contrôler les gens, fais leur croire qu’un Messie va venir les sauver ». Cette réplique résume le propos du film, du moins c’est l’interprétation qu’on en fait.
On pouvait douter du personnage de Paul et le titre de possible Messie qu’on lui attribuait dans la première partie, parce que nous n’étions pas sûrs que ses dons viennent d’une prophétie. On pensait juste qu’ils résultaient d’un mélange des gènes de sa mère et des épices d’Arrakis. Rassurez-vous : nous n’allons pas vous dire si cette seconde partie nous donne raison ou non. Au final, cela importe peu. Car ici le principal est de croire ou ne pas croire.
Cela est d’autant plus visible dans le contraste entre Chani et Stilgar (Javier Bardem). Chani veut juste que son peuple puisse vivre librement et disposer de ses ressources, et maintient que la libération des Fremen viendra des Fremen. Stilgar veut la même chose, mais croit dur comme fer en la figure d’un sauveur divin qui viendra les libérer. Quant à Paul ? Paul veut se venger.
Lorsqu’on regarde les dunes de sable à perte de vue, le manque cruel d’eau, de nourriture et qu’on ajoute à cela la violence des Harkonnen (absolument appuyée par une longue séquence en noir et blanc qui introduit Feyd-Rautha (Austin Butler, magistral) d’une cruauté mémorable) comment ne pas comprendre Stilgar et ceux qui croient au Sauveur ? Lorsqu’il ne reste plus rien que la peur, que pouvons-nous faire d’autre ? C’est justement cette peur qui est exploitée comme arme politique, par tous les camps. « La peur est la mort de l’esprit », nous disait-on. Et un esprit mort est très facile à contrôler.
Un Messie ? Une arme ?
De la même manière que la croyance de la venue d’un Messie est utilisée comme arme, l’inaptitude à distinguer la frontière entre « devenir Fremen » et « s’approprier la culture Fremen » est aussi utilisée dans l’univers de Dune à des fins politiques.
En effet, la culture Fremen semble inspirée d’un mélange des cultures d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Des inspirations qui auraient gagné à être un peu plus assumées. Notre rédactrice, Strangie étant d’origine Amazigh, elle a été assez perturbée par les actions du personnage de Jessica (entre-autre), qui reflète clairement la partie « appropriation » de la frontière citée plus haut. Nous pensons que cela était intentionnel, au vu du déroulement des événements du film. On ne peut pas se prononcer pour les personnes issues des cultures du Proche et Moyen-Orient, cela dit.
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En revanche, ce qui parait involontaire, est que cette « appropriation » fait écho à la triste réalité dans la mesure où si l’industrie du divertissement adore se réapproprier ou s’inspirer des cultures de ces régions, l’inclusion et la reconnaissance de l’humanité et de la complexité des personnes issues de ces mêmes communautés ne semblent pas au programme. Du moins, pas au programme de beaucoup d’individus de pouvoir. Quoi qu’il en soit, dans l’univers de Dune, peu de personnages Fremen arrivent à comprendre ce qui se trame. Cela les rend d’autant plus vulnérables aux manipulations à des fins politiques.
Strangie trouve que la caractérisation de Chani et Shishakli (Souheila Yacoub, magnifique) représente l’image qu’elle a des valeurs du peuple Amazigh. Souheila Yacoub et Zendaya interprètent leurs personnages respectifs avec charisme, dignité et fierté. Au passage, Denis Villeneuve qualifiait Souheila Yacoub de « véritable Fremen* », et nous ne pouvons qu’approuver après avoir vu son excellente performance.
Nous souhaiterions vraiment vous dire ce que nous pensons de l’évolution de Paul. Et pourquoi nous pensons que Chani et Shishakli sont les seuls personnages réellement libres dans Dune. Mais cela reviendrait à spoiler l’entièreté du film, donc on vous laisse découvrir…
*Le saviez-vous ? Le terme “Fremen” nous a interpellés, car il pourrait se prononcer “free men” = “hommes libres”. Or, “Amazigh” (pluriel “Imazighen”) signifie “Homme libre”.
UNE RÉALISATION IMMERSIVE
Les décors sur Arrakis sublimaient le désert dans la première partie. Ici, la colorimétrie est plus terne, avec une sensation d’oppression dans ce qui est pourtant un désert géant avec un nombre infini de dunes. Une esthétique contribuant à accentuer l’hostilité du milieu dans lequel les personnages doivent survivre.
Du côté des personnages, nous sommes heureux de retrouver Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson ou encore Austin Butler, toujours aussi brillants et interprétant avec fougue les héros de cet univers. Impossible de passer outre la prestation d’une Zendaya au cœur fort et d’un Timothée Chalamet plus puissant que jamais !
A contrario, de manière assez évidente, les Fremen sont habitués à cet environnement. Leurs interactions avec le sable sont fluides, et à travers, par exemple, le regard de Chani, Arrakis devient plus paisible. Mention spéciale à ce qui est l’une des séquences les plus immersives du film, car tournée à la première personne.
L’une des particularités du style de Denis Villeneuve est de prendre son temps pour poser une scène, s’imprégner d’un décor, etc. Un style très contemplatif qui est plutôt bien dosé compte tenu du nombre de scènes de bataille, plus dynamiques et percutantes. On pense notamment à la première partie, qui souffrait de légers problèmes de rythmes. Ici, le cinéaste réussi à doser avec brio les séquences contemplatives et les scènes de combats à couper le souffle, faisant passer les 2h46 de film à une vitesse folle.
Enfin, concernant la musique, Hans Zimmer est toujours au rendez-vous. Sa bande son particulièrement sensorielle est tout simplement sublime. Si on nous demande ce que l’on préfère dans Dune, Hans Zimmer serait sans nul doute la réponse.
Dune : Deuxième Partie est une réussite. Porté par une Zendaya et un Timothée Chalamet plus puissants que jamais et jonglant entre les tentions politiques et sentimentales avec brio. Corrigeant les problèmes de rythmes de la première partie, ce second volet arrive parfaitement à doser les séquences de contemplation et des scènes d’action à couper le souffle. Avec sa réalisation immersive et son propos qui alimentera sûrement les débats pendant bien longtemps, au même titre que l’œuvre d’origine de Frank Herbert, Denis Villeneuve signe un second volet grandiose.
TITRE ORIGINAL : Dune – Part Two
GENRE : Drame, Science-fiction
DURÉE : 2h46min
PAYS : États-Unis
DATE DE SORTIE FR : 28 février 2024
RÉALISATION : Denis Villeneuve
D’APRÈS L’ŒUVRE ORIGINALE DE : Frank Herbert
AVEC : Timothée Chalamet, Zendaya et Rebecca Ferguson
PRODUCTION : Warner Bros. Pictures et Legendary Pictures
DISTRIBUTEUR FR : Warner Bros. France
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Cette critique a été rédigée par Jojo Tout Cour et Strangie.