Animalia : Le surnaturel au service de l’épanouissement

Itto, jeune marocaine d’origine modeste, s’est adaptée à l’opulence de la famille de son mari, chez qui elle vit. Alors qu’elle se réjouissait d’une journée de tranquillité sans sa belle-famille, des événements surnaturels plongent le pays dans l’état d’urgence. Des phénomènes de plus en plus inquiétants suggèrent qu’une présence mystérieuse approche. Seule, elle peine à trouver de l'aide…

Après avoir remporté le César du meilleur court-métrage en 2021 pour Qu’importe si les bêtes meurent, la réalisatrice Sofia ALAOUI continue de remettre en question notre spiritualité et ce que l’on croyait acquis/naturel avec le long-métrage Animalia. Ce film, de toute beauté, nous incite à l’introspection à travers celle d’une héroïne de son temps.

Phénomène surnaturel dans la campagne marocaine, aux alentours de Khouribga
Un des phénomènes surnaturels qui sèment la panique

DES PHÉNOMÈNES ÉTRANGES, UNE INTROSPECTION NATURELLE

Itto, venant d’un petit village Amazigh, où vivent ses parents modestes et honnêtes, peine toujours à se sentir à sa place dans la famille bourgeoise de son mari. Elle attend son premier enfant et se trouve à un tournant de sa vie. Pour ne rien arranger : elle est souvent seule dans la grande maison de sa belle-famille et se sent méprisée par cette dernière, car elle n’est pas “une bourgeoise de Fès”.

Lorsqu’elle est introduite dans Animalia, bien qu’elle semble s’ennuyer fermement dans cette maison opulente mais vide, on découvre un personnage rebelle dans l’âme, mais perdu. J’ai interprété cette situation comme une sorte de crise identitaire, puisqu’elle ne trouve pas sa place dans ce milieu particulier.

Malgré elle, elle se retrouve embarquée dans un road trip à la campagne la menant à faire une introspection sur sa propre identité et sur la façon dont son nouveau mode de vie l’a affectée. Lorsqu’elle est en quête de sens, elle se tourne vers la religion. Les phénomènes étranges ne semblent pas coopérer, dans le sens où continuer les prières ne les arrête pas, au contraire. Ces derniers la poussent dans un questionnement audacieux : a-t-on vraiment toutes les réponses à nos questions sur les forces supérieures auxquelles nous croyons ? A-t-on raison de suivre certains principes, certaines règles sans y réfléchir ?

A travers cette remise en question de sa propre spiritualité et à travers son regard, se dresse le portrait d’une certaine fragmentation de la société marocaine, où les contrastes sociaux sont extrêmes, le mélange de cultures et de langues est paradoxalement omniprésent et la corruption est de rigueur.

Sans trop spoiler l’intrigue du film, il n’y a pas de réponse directe sur les étranges phénomènes qui se produisent, libre au spectateur·rice d’interpréter les événements comme iel le souhaite. Ce que je comprends personnellement est qu’Itto finit par faire la paix avec son identité et reprend confiance en elle-même après une révélation spirituelle durant son road trip.

Itto et Fouad
Itto (Oumaïma BARID) et Fouad (Fouad OUGHAOU)

UNE RÉALISATION MAGNIFIQUE, DES ACTEURS AU SOMMET

Je ne peux que complimenter la réalisation. Les décors naturels, magnifiquement sublimés, rendent justice à la richesse des paysages marocains. Durant les scènes montrant les phénomènes surnaturels, les quelques VFX s’imbriquent naturellement dans le paysage pour nous donner une sensation à la fois d’émerveillement et de terreur devant l’inexplicable.

La réalisation ne nous dicte pas notre interprétation et nous délivre ses messages de manière subtile. Je pense notamment à la mise en scène d’Itto dans une mosquée bondée. Cette scène n’a pas eu besoin de dialogue pour nous faire comprendre son message. (Ma réaction s’est à peu près résumée à “À bas la séparation des genres et le patriarcat, youhou !”)

Les acteurs nous offrent également des performances magistrales. En effet, Oumaïma BARID et Fouad OUGHAOU, en particulier, rayonnent par leur charisme et leur énergie. Je retiens aussi la représentation de la fierté et de la dignité du peuple Amazigh.

J’aimerais finir par une mention spéciale. Il s’agit d’une ligne du générique qui n’a pas échappé à mon attention : “Sofia et Margaux ne remercient pas le patriarcat.” Tout est dit.

Je ne peux que chaudement vous recommander de voir ce premier long-métrage de Sofia ALAOUI. Animalia est un film beau, introspectif, avec une héroïne attachante et des questionnements importants dans le contexte actuel.

GENRE : Drame, Fantastique
DURÉE : 1h30
PAYS : Maroc, France
DATE DE SORTIE FR : 9 août 2023
RÉALISATION : Sofia Alaoui
AVEC : Oumaïma Barid, Mehdi Dehbi, Fouad Oughaou
PRODUCTION : Jiango Films
DISTRIBUTEUR FR : Ad Vitam
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Konata Nekoyama aime

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