Plusieurs années après la fin de la guerre, le quotidien des gens est peu à peu impacté par le développement des nouvelles technologies. Violet quand à elle, espère encore que Gilbert soit toujours en vie et n’a de cesse de penser à lui. Ce sentiment de manque ne la quitte jamais, de jour comme de nuit. Un jour, la jeune femme reçoit un appel pour du travail et part à la rencontre d'un nouveau client : un garçon nommé Ulysse. Pendant ce temps, une lettre inconnue vient d’être retrouvée à l’entrepôt postal…
Lorsque Kyoto Animation délivre son ultime lettre d’amour, cela donne une œuvre incontestablement unique et puissante. Après une série majeure en 2018, un premier long-métrage sauvé des flammes de l’attaque du studio en 2019. L’histoire de Violet Evergarden se conclut en apothéose avec ce second film sobrement appelé VIOLET EVERGARDEN – LE FILM. Après une sortie repoussée de nombreuses fois au Japon et en France, c’est finalement ce 19 mai 2021 que les fans français vont pouvoir vivre la conclusion finale tout simplement parfaite de VIOLET EVERGARDEN.
La réalisation est menée ici par Taichi ISHIDATE (BEYOND THE BOUNDARY). Quant au scénario, on retrouvera la brillante Reiko YOSHIDA (SILENT VOICE, K-ON! LE FILM, LIZ & L’OISEAU BLEU). Côté direction artistique, nous avons les talentueuses Akiko TAKASE (TSURUNE, SILENT VOICE) et la regrettée Mikiko WATANABE (SOUND! EUPHONIUM, SILENT VOICE) et côté musique, toujours l’américain Evan Call avec l’excellente bande originale de la série. On retrouve également Miho KARASAWA, plus connue sous son nom de scène TRUE (interprète de l’opening de la série). Présente ici avec un nouveau titre à la fois doux et poignant pour accompagner cette conclusion.
Là où il est parfois facile de rédiger une critique, il me sera difficile de ne pas lâcher quelques larmes en gardant mon recul pour celle-ci. Tant l’œuvre est une conclusion écrite et réalisée avec le cœur. Mais aussi une page qui se tourne pour un studio qui nous a marqués. VIOLET EVERGARDEN – LE FILM n’est pas une simple conclusion à la hauteur de son récit de base. Mais un adieu déchirant à double lecture.
VIOLET EVERGARDEN ✉
Petit rappel du synopsis de la série : Adapté du lignt novel (roman) VIOLET EVERGARDEN de Kana AKATSUKI, publié aux éditions KA Esuma Bunko (Kyoto Animation), VIOLET EVERGARDEN nous emmène dans un monde d’après-guerre, au style européen (quasi franco-germanique). La guerre opposant Leidenschaftlich et l’Empire Gardarik a finalement pris fin après quatre longues années de conflits. Violet, une jeune fille de 14 ans, alors formée dans le seul but de décimer les lignes ennemies, est hospitalisée suite à de violentes amputations. Elle a perdu ses deux bras, remplacés par des bras mécaniques argentés.
N’ayant plus rien à perdre, elle se rattache aux derniers mots de son Major, Gilbert BOUGAINVILLEA “je t’aime” mais sans comprendre leur signification. Se remettant de ses blessures, Violet est adoptée par la famille Evergarden. Elle décide de commencer une nouvelle vie à la Compagnie des Postes CH. Une entreprise postale, proposant les services de “Poupées de Souvenirs Automatiques”. Dont le rôle est de transmettre les sentiments des gens pour autrui par voie postale. Violet va donc, tout en rapprochant les gens à travers ses lettres, découvrir le sens des derniers mots de son Major. Et ainsi comprendre qui elle est.
UNE PAGE QUI SE TOURNE POUR LES UNIVERS DE VIOLET EVERGARDEN ET KYOTO ANIMATION
Si le premier film VIOLET EVERGARDEN : ÉTERNITÉ ET LA POUPÉE DE SOUVENIRS AUTOMATIQUES se présente à nos yeux comme un hommage aux victimes de l’attaque du studio, nous voyons VIOLET EVERGARDEN – LE FILM comme un adieu. Un adieu à ceux qui nous ont quittés beaucoup trop tôt, un adieu à ceux à qui nous tenons. L’un des messages de ce film est simple, et pourtant difficile à mettre en pratique. Dites à vos proches que vous les aimez pendant que vous le pouvez.
Avec ce film, Kyoto Animation assure l’héritage des artistes qui nous ont quittés en finissant les travaux qu’ils ont commencés. Cette phase de l’histoire du studio continuera avec les prochains films et séries à venir (MISS KOBAYASHI’S DRAGON MAID S, FREE! THE FINAL STROKE, le film TSURUNE, la suite de SOUND! EUPHONIUM). Une page est en train de se tourner, tout en donnant naissance à un mythe qui marquera à jamais l’histoire de l’animation japonaise. Comme Haruhi SUZUMIYA a réussi à le faire à son époque, dans un autre contexte, évidemment.
Ici, contrairement au premier film VIOLET EVERGARDEN : ÉTERNITÉ ET LA POUPÉE DE SOUVENIRS AUTOMATIQUES qui se présentait plus comme un épisode bonus de 1h30 ne présentant pas les bases de la série. VIOLET EVERGARDEN – LE FILM se souhaite accessible aux non-initiés. Grâce au scénario soigné de Reiko YOSHIDA et à ses nombreux flash-backs et son introduction. Certes un peu longue (pour certains) mais replaçant le contexte dont nous avons besoin pour s’immerger dans l’univers. La réalisation de Taichi ISHIDATE, qui a également réalisé la série éponyme, est absolument impeccable. Nous offrant une œuvre marquante, et une conclusion parfaite pour une série aussi ambitieuse du calibre de VIOLET EVERGARDEN.
UNE ODE À LA VIE, À L’ÉVOLUTION ET AUX RELATIONS HUMAINES 🍃
Au-delà d’une simple suite, la réalisation de Taichi ISHIDATE nous offre avec Reiko YOSHIDA au scénario, une véritable ode à la vie, à l’évolution et aux relations humaines. En effet, comme toujours, le monde évolue. Amenant avec lui les évolutions technologiques comme le téléphone. Qui fait, au fil des années, disparaître le métier de Poupée de Souvenirs Automatiques. Métier avec lequel Violet a appris dans la série à découvrir ses sentiments disparus lorsqu’elle était devenue une machine à tuer dans son enfance. Métier avec lequel elle a appris petit-à-petit les mots “je t’aime.”. Mais peu importe ce qui disparaît ou apparaît. Quelque chose d’unique en nous ne s’estompera jamais. Nos sentiments et nos émotions, gravés dans notre ADN.
Point important du film : le présent du film est placé 2 générations après Violet. Où la jeune Daisy, petite-fille d’Anne (cf. l’épisode 10) tombe par hasard sur les lettres qu’Anne a reçues de la part de sa mère pendant 50 ans après son décès. Vous avez compris la porte d’entrée du film. Un équivalent du XXe siècle, là où le téléphone s’est démocratisé tout comme l’industrie automobile. Le monde a changé. Après cette découverte, la jeune Daisy souhaite en découvrir plus sur qui était Violet Evergarden. Ainsi que ses nombreux exploits avant de quitter les Postes CH à ses 18 ans. L’œuvre est donc un récit à deux points de vue. L’un centré sur Violet à la recherche du Major Gibert dans le “passé”. L’autre des années plus tard, notre présent qui est centré sur Daisy. Où au fil de son voyage, nous avançons dans l’épilogue de l’histoire de Violet.
les chemins des personnages 👩🧑
Autre point fort, les personnages qui évoluent réellement pour suivre leur propre route. Là où Violet trouve enfin la voie pour suivre ses propres sentiments. Nous assistons petit à petit à son indépendance, même vis-à-vis de Claudia qui reste encore très protecteur / voir papa poule avec Violet. Erica, l’une des collègues de Violet a quitté les Postes CH. Afin de devenir metteuse en scène et enfin inaugurer sa première pièce de théâtre, après tant d’années à poursuivre ce doux rêve. Iris est en phase de devenir l’une des meilleures Poupées de Souvenirs Automatiques de Leiden avec Cattleya.
Mais notre vision des personnages n’est pas en reste. Puisque nous avons de plus en plus de compassion envers des personnages comme Diethard. Qui partage de plus en plus avec Violet sa tristesse de la perte du Major Gilbert. L’œuvre nous apprend également que même si le monde change, les gens aussi. Car rien n’est figé dans un “parfait” indélébile.
le Major est-il toujours en vie ?
Tout comme les sentiments qu’éprouve Violet pour le Major Gilbert, malgré qu’il ait toujours été déclaré depuis des années comme mort à la guerre, les sentiments de Violet ne se sont, eux, jamais éteints. Croyant Gilbert toujours en vie. Et ici c’est ce que Kyoto Animation souhaite nous montrer avant tout. Au-delà de jouer sur le suspense de savoir si “le Major est-il toujours en vie ?”, Reiko YOSHIDA préfère nous montrer cette évidence tout naturellement. En effet, peu importe son état (cf. l’affiche). Ce que nous souhaitons savoir c’est comment ces deux âmes perdues vont se retrouver. Notamment après qu’une récente lettre de Gilbert soit retrouvée dans un des entrepôts des Postes CH.
Comment va réagir Gilbert ? Violet ? Claudia ? Pourquoi le Major s’est-il fait déclaré mort au combat et disparu des radars de la société ? Tant de questions qui vont trouver grâce aux yeux du scénario. Dans une scène de retrouvailles en deux temps absolument déchirante. Les émotions des personnages se mettent à exploser en ne créant qu’un avec celui du spectateur. Le rejet, la colère, la tristesse, l’abandon et jusqu’à enfin : l’acceptation. Deux âmes qui se retrouvent des années après une horrible guerre. Cette palette d’émotions est quasiment en accord avec celui d’une disparition et l’acceptation du deuil. On pensera ici aux 36 employés de Kyoto Animation disparus en été 2019, à qui ce film est tout autant dédié.
Le puissance des mots 🎈
Durant le film, Violet travaille un moment pour un jeune client du nom d’Ulysse. Atteint d’une maladie grave, qui n’est pas sans rappeler la mère d’Anne dans l’épisode 10 de la série. Il n’ose pas avouer en face ses sentiments et ses peurs à sa famille. À savoir, sa mère, son père, son petit-frère en bas-âge et son meilleur ami Lucas. Il engage Violet pour rédiger trois lettres qui seront distribuées à chacun d’entre eux quand il sera parti. Malheureusement, dans un premier temps impossible de rédiger la lettre de Lucas, suite à l’aggravation de son état de santé. C’est lorsque que Violet et Claudia sont sur l’île d’Écarté, qu’une autre technologie nouvelle (le télégramme) annonce que le jeune Ulysse est souffrant.
Mais tous deux dans l’impossibilité de se rendre au côté d’Ulysse à cause d’une violente tempête. Iris est donc envoyée sur place pour permettre à Ulysse de faire part de ses derniers mots à Lucas, à travers le téléphone. Ou cette “hideuse machine [qui va voler notre travail]” comme le dit Iris. Ou encore comme nous le conclut le film. Lorsque Daisy décide sous l’inspiration de Violet, de rédiger une lettre telle une Poupée de Souvenirs Automatiques, pour faire part de ses profonds sentiments à ses parents.
Nous pointons du doigt la force des émotions humaines et la puissance des mots. Peu importe la manière de faire part de nos émotions ou sentiments que nous n’arrivons pas à exprimer que ce soit à l’oral ou à l’écrit. L’impact reste le même au téléphone ou par écrit, car les traces de nos sentiments et de nos émotions sont uniques. Inaliénables et traversent les générations tout en restant ancrées pour l’éternité (et la Poupée de Souvenirs Automatiques).
UNE QUALITÉ TECHNIQUE TOUJOURS INÉGALABLE 🎬
Au-delà d’un récit qui fait suite à sa série éponyme. Reiko YOSHIDA offre une conclusion audacieuse, tout en douceur et en longueur. Pour un film de 2h20, ce qui en fait le second long-métrage le plus long de Kyoto Animation. Entre LA DISPARITION DE HARUHI SUZUMIYA et SILENT VOICE. Sans jamais perdre le spectateur qui reste fasciné et ébahi. Autant par l’évolution du personnage de Violet, que par la justesse émotionnelle et la beauté esthétique du film. Sur le plan technique, on notera tout particulièrement le soin apporté aux mouvements (exemple : les mains de Violet), aux décors et aux yeux des personnages.
Les décors à l’aquarelle de Mikiko WATANABE (qui nous a malheureusement quittés en 2019) contribuent à nous offrir des plans naturels et réalistes. Toujours avec cette fascination pour le détail : le moindre brin d’herbe, la moindre petite lumière… En clair, le moindre petit détail existe aux yeux de WATANABE pour contribuer à transporter le spectateur dans un univers qu’il reconnaît et qu’il ne connaît pas. La direction de la photographie est gérée par Kōhei FUNAMOTO. Qui nous offre des plans d’une incroyable beauté visuelle et technique, entre les plans audacieux pour de l’animation 2D.
Des plans soignés 🎬
Je pense notamment aux travelings et autres mouvements de caméras. Comme par exemple le long traveling avant en début du film qui nous dirige d’un plan d’ensemble de la maison de Daisy. Jusqu’à l’intérieur de la maison en passant par la fenêtre principale pour finir sur un plan poitrine de cette dernière. Ou encore le plan qui marque à mes yeux “l’éternité de Violet”, où l’on suit Violet qui avance sur un chemin sombre en traveling avant et en plongée. Un plan en longueur où le son de chaque pas est intensifié. Un plan peut-être simple à l’écrit, mais qui donne un résultat mythique dans ce contexte.
Bien sûr, ceci est le fruit du travail de ISHIDATE en tant que réalisateur sur son storyboard. Mais sans FUNAMOTO à l’exécution, ces plans n’auraient peut-être pas la même saveur. FUNAMOTO nous régale notamment avec ses jeux de lumières naturels. Offrent une dimension visuelle travaillée et très rarement vue autre part dans l’animation japonaise. Clairement la lumière est LE point fort de Kyoto Animation, que nous arrivons à ressentir dans chaque production du studio. Mais sur grand écran pour Violet Evergarden, cela est d’autant plus bluffant !
Conclusion musicale 🎵
Concernant la partie sonore, la bande-originale est composée par l’américain Evan Call. Qui, comme pour la série, nous offre un panel de morceaux inoubliables. Chacun des morceaux intensifie l’émotion, intensifie le moment présent, faisant de chaque moment fort du film une réussite. À travers ses morceaux, Evan Call donne vie à un personnage tout aussi important : la musique. Le thème musical de “WILL” de TRUE qui accompagne (l’assez long) générique de fin – parfait pour nous laisser en place jusqu’à la somptueuse scène post-crédit qui conclut TOUT – nous fait frissonner. Tant Miho KARASAWA offre une performance intense pour conclure l’histoire.
Mais Minori CHIHARA n’est pas en reste ! En effet, durant la scène finale où Gilbert court après Violet avant qu’elle ne quitte l’île d’Écarté (une séquence débordante d’émotion, sûrement la plus belle du film). Nous avons droit à une réinterprétation de son titre “Michishirube” (le thème de fermeture de la série) en version orchestre symphonique. La dimension émotionnelle de ces retrouvailles finales n’en est que décuplée. Le sound design ne nous laisse pas en reste. Car Yota TSURUOKA nous offre un univers sonore profond et incomparable pour une production Kyoto Animation depuis LIZ & L’OISEAU BLEU. Que ce soit pour les scènes de guerre ou les scènes émotionnellement fortes. TSURUOKA arrive à nous intégrer à l’œuvre grâce à son travail remarquable, qui pense même à ces sons que nous n’entendons pas.
Que dire ? Il fût très compliqué de rédiger cette critique sans verser quelques larmes en écoutant la bande originale du film… mais la conclusion de cette dernière reste simple : VIOLET EVERGARDEN – LE FILM est une œuvre magistrale, un bijou de la fiction japonaise concluant en apothéose sa série éponyme. Non content d’offrir un récit compact sous deux points de vues étalés sur 2h20 avec une qualité technique époustouflante visuellement et musicalement, VIOLET EVERGARDEN – LE FILM est une œuvre transitoire pour Kyoto Animation.
Plaçant tout naturellement Violet Evergarden dans son ensemble comme une œuvre mythique, une œuvre où même après l’attaque de Kyoto Animation nous sentons le talent d’une équipe voulant rendre hommage à leurs collègues disparus pour aller de l’avant. Un long-métrage tellement puissant “qu’on en ressort frissonnant, épuisé et presque purifié” (pour citer les mots de nos amis de chez Coyote Mag), ce qui définit parfaitement la sensation ressentie après visionnage. Merci à Eurozoom qui nous permet de vivre cela.
Dans son univers comme dans l’histoire de la fiction japonaise, Violet Evergarden est définitivement entrée dans la légende. Et comme ses lettres qui lient les gens au fil des générations : son nom et son histoire résonneront éternellement dans l’histoire de l’animation japonaise. Merci pour tout, Poupée de Souvenirs Automatiques, Violet Evergarden. Je t’aime.
TITRE ORIGINAL : Gekijouban Violet Evergarden
GENRE : Drame, romance, tranche de vie
TECHNIQUE : Animation
DURÉE : 140 minutes (2h20)
PAYS : Japon
DATE DE SORTIE FR : 19 mai 2021
RÉALISATION : Taichi Ishidate
AVEC : Minako Kotobuki, Aoi Yuki, Takehito Koyasu
PRODUCTION : Kyoto Animation
DISTRIBUTEUR FR : Eurozoom / Netflix
©Kana Akatsuki,Kyoto Animation/Violet Evergarden Production Committee