Superman: New Krypton Saga (2008-2010)

Près de quinze ans après le début de sa publication, Konata Nekoyama se penche sur une saga qui aurait pu être très importante pour Superman…

Il y a 15 ans, DC Comics sortait une saga crossover impactant tous les titres sur l’homme d’acier. 15 années de publication, dans le monde des comics, c’est énorme. Cette saga n’a malheureusement pas survécu aux affres du temps, la faute à un impact moindre concernant la conclusion de la saga. Mais aussi à des changements de scénaristes et d’une toute nouvelle ligne éditoriale avec la fin de Flashpoint et ses New52 (DC Renaissance en VF pour Urban Comics).

Départ de Geoff JOHNS et mise en place d’un nouveau statu quo

Qu’en est-il de cette saga ? A la fin de son run, Geoff JOHNS, scénariste de la série Action Comics, laisse le lecteur découvrir que la cité de Kandor avait survécu à la destruction de Krypton. Brainiac, un être d’une intelligence redoutable et collectionneur de civilisations, l’avait en effet miniaturisée et mise sous cloche, emprisonnant tous ses habitants. De fait, nous nous retrouvions avec une bonne dizaine de milliers de Kryptoniens prisonniers et sans pouvoirs, ne bénéficiant pas des bénéfices d’un soleil jaune sur eux. Cependant, le bon cœur de notre homme d’acier, et surtout ses origines, font qu’il va prendre cette ville avec lui après son affrontement contre Brainiac et réussira à lui rendre sa taille originale.

À partir de ce moment, rien ne va plus sur Terre. Car si les humains accueillent majoritairement avec bienveillance le dernier fils de Krypton et sa cousine, qu’en est il pour une dizaine de milliers de ses congénères ? Superman est un homme profondément bon, mais en est-il de même pour tous ces Kryptoniens qui peuvent, sans même sourciller, réduire l’humanité en esclavage ? C’est sur ce postulat que commence cette saga, qui, publiée de décembre 2008 à juin à juillet 2010, impacta toutes les séries en lien avec Superman.

Superman
Un monde de Kryptoniens

Le moins que l’on puisse dire de cette saga, c’est qu’elle est éminemment politique. Mais nous y reviendrons. Elle se déroule en plusieurs étapes avant son final cataclysmique. Un schéma classique dans une narration de cette envergure et qui, malheureusement, n’a pas été publiée dans son intégralité en VF. Pour résumer brièvement, le premier tome se concentre sur la mise en place du nouveau statu quo. Les Kryptoniens sont sur Terre. Et certains ennemis de Superman ne voient pas ça d’un bon œil, en particulier le Général Lane qui voit cette arrivée comme une invasion.

Des complots politiques seront alors au programme. Et cela ne va pas se faire sans heurts. Sam Lane ordonne l’assassinat de Zor-El, père de Supergirl, tandis que certains Kryptoniens tuent des membres de la police qu’ils considèrent comme des agresseurs. Les deux peuples ayant des cultures et modes de vie différents, il est alors décidé que les Kryptoniens doivent quitter la Terre. Une planète artificielle est donc créée par la veuve El, nouvelle cheffe politique des Kryptoniens.

Et c’est là que les choses deviennent intéressantes. Superman part alors vivre sur cette planète et devient le médiateur des deux peuples. Et pendant qu’un vieil ennemi de l’homme d’acier revient sur le devant de la scène en tant que chef des armées de New Krypton, Kal El, lui, en apprend plus sur la façon dont vivent les Kryptoniens. Une société de castes différenciant les militaires, les artistes et les scientifiques. On y voit une société ne vivant pas en harmonie, en particulier entre les castes militaire et artistique. Et pendant que Kal El en apprend plus sur son monde d’origine, Zod fomente une revanche contre la Terre. Les deux peuples étant au bord d’une guerre inévitable.

Superman
Général Kal El

Quand la fiction se sert de la réalité…

Cette saga, dont je vous ai raconté les grandes lignes pour le tiers, tient une place importante dans son analogie avec la société américaine de l’époque. Il est évident que la majeure partie des scénaristes de comics sont assez éloignés des idées du bipartisme américain (le crossover Civil War et ses conséquences étant une critique déguisée de l’administration Bush Jr. de l’époque).

Surtout, les auteurs aux manettes de cette saga dressent un parallèle entre Terriens/Kryptoniens et les vagues migratoires que vivent les USA avec les peuplades arabo-musulmanes de l’époque. Les États-Unis sont encore profondément marqués par les attentats de 2001 et les guerres en Irak et en Afghanistan s’enlisent profondément. Quand bien même le peuple est majoritairement derrière les actions revanchardes du gouvernement, les immigrés vivent dans la crainte de représailles populaires attisant les tensions entre eux.

James Robinson et Greg Rucka décrivent alors le choc de deux civilisations opposées et la méfiance qui s’installe entre elles dans un climat géopolitique tendu. Une forme de xénophobie étant présente des deux côtés et non manichéenne. Nous n’avons pas de méchants conservateurs contre de gentils migrants ou inversement. Nous avons surtout deux peuples manipulés par leurs élites pour rentrer en conflit l’un contre l’autre avec des brebis galeuses des deux côtés.

Superman contre les siens

Car c’est bien la manipulation des peuples par ses élites et comment celles-ci sont manipulées qui est mise en avant dans ce récit. Si nous devions encore plus pousser l’analogie du récit, Superman serait une allégorie du peuple, qui est le grand perdant de cette saga. Robinson et Rucka ne livrent alors pas un récit avec une fin idéale ou idyllique. On est même sur son exact opposé. Le bilan dressé étant un constat froid sur l’immigration et sa perception post 11 septembre.

Et il semble qu’une cohabitation pacifique entre différents peuples, opposés culturellement selon certaines élites, ne soit plus possible. Si Kara Zor El et Kal El tentent d’instaurer une cohabitation pacifique, les rancunes de l’une et l’autre des parties la rendent impossible à vivre et la paix entre New Krypton et la terre devient une vaine utopie. D’ailleurs, la conclusion de cette saga, totalement apocalyptique, est glaçante, tant les auteurs nous livrent leur vision de ce “nouveau monde”.


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Quand bien même Superman et Supergirl tentent de déjouer les complots et de désamorcer les conflits, ils restent impuissants, tant face aux humains qui les ont adoptés qu’aux Kryptoniens. La faute à deux peuples qui ne les considèrent pas vraiment comme faisant partie des leurs. Les humains se méfient des origines kryptoniennes des deux héros alors que les kryptoniens reprochent aux leurs d’avoir vécu trop longtemps sur Terre et renié leurs origines et leur héritage. De fait, ils sont chargés d’une tâche titanesque pour tenter de préserver les deux mondes dont les généraux veulent une guerre tant elle est nécessaire dans leurs dynamiques de revanche ou de préservation de leurs identités.

Il est amusant aussi de noter que l’origine du conflit reste l’assassinat d’une figure politique, ici Zor El, ce qui est exactement la cause principale de l’éclatement du conflit qu’a vu le monde en 1914 avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand. Aucun vainqueur cependant dans ce conflit qui, après le départ de Greg RUCKA, James ROBINSON et Sterling GATES des titres Superman, Action Comics ou Supergirl, n’aura aucune répercussion. Les auteurs les remplaçant livrant de nouvelles histoires avant le reboot total de l’univers DC de 2011.

Il en reste cependant un récit très dense et agréable à lire qui se divise en trois actes bien distincts :

1 : L’arrivée des kryptoniens de Kandor sur Terre
2 : La découverte de la société kryptonienne après le rejet des valeurs des habitants de Kandor par les humains et vice versa
3 : L’éclatement du conflit.


Où lire cette saga ?

Malheureusement, cette saga a connu une publication disparate en France. La faute au changement d’éditeur pour les licences DC d’une part, et des retards accumulés de Panini sur les titres d’autre part. Mais aussi, par le manque de traduction de beaucoup de titres impactés par cette arrivée. Nul autre choix que de se porter sur le marché de l’occasion pour lire cette saga ainsi que, pour les plus collectionneurs et les bilingues, de se diriger vers la VO. Voici donc les tomes à posséder, dans l’ordre de lecture, pour la VF :

  • Geoff Johns Présente Superman, tome 5 : Brainiac chez Urban Comics (nul besoin d’avoir lu les autres tomes).
  • DC Big Books : La Nouvelle Krypton chez Panini Comics.
  • DC Big Books : Au Cœur de la Nouvelle Krypton chez Panini Comics.
  • DC Big Books : La Dernière Bataille de la Nouvelle Krypton chez Panini Comics.
  • Superman Univers Hors Série 5 chez Urban Comics pour la conclusion de la saga avec la mini série War of the Supermen.

Les plus collectionneurs pourront aussi se pencher sur plusieurs TPB US (tomes en softcover)

  • Supergirl : Who is superwoman?
  • Supergirl : Friends & Fugitives
  • Supergirl : Death & The Family
  • Superman : Nightwing & Flamebird 1 & 2
  • Superman : Codename Patriot (à lire au milieu du tome Au Coeur de la Nouvelle Krypton)
  • Superman : Mon El
  • Superman : Mon El, Man of Valor

Une saga DENSE

Malgré le peu de conséquences au-delà de la mini série War of the Supermen, la saga New Krypton, qui aura tenu en haleine les lecteurs pendant près de deux ans, prend le parti de ne plus isoler les deux derniers kryptoniens et de les faire évoluer parmi les leurs. Cependant la conclusion apocalyptique montrera qu’humains et kryptoniens ne peuvent évoluer ensemble que si ces derniers sont peu nombreux à regagner la Terre. Les peuples et les gouvernements craignant leurs pouvoirs. Cette saga aura tout de même vu certains des plus grands auteurs de l’écurie se pencher sur l’univers de l’homme d’acier pour ses 70 ans d’existence et lui donner une saga au souffle épique incontestable.

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