2001 Nights Stories : deux tomes, une épopée, un chef-d’œuvre

La galaxie n’était que le début… Après avoir surmonté une guerre nucléaire totale, l’humanité découvre un morceau de météorite géante aux abords d’une base lunaire. C’est le début d’une ruée vers de nouvelles ressources naturelles et d’un merveilleux voyage dans l’immensité de l’univers. Depuis les planètes du système solaire jusqu’aux galaxies les plus éloignées, vous croiserez les vestiges d’antiques civilisations extraterrestres, découvrirez des systèmes d’évolution distincts de l'homme et rencontrerez ceux que l’on nomme les “semailles d’étoiles”…
Après une première édition en coffret limité, 2001 Nights Stories s’offre un nouvel écrin. Ses deux volumes en version cartonnée deluxe constituent un objet d’exception, tandis que posters et pages couleurs accompagnent cette œuvre monument, pour le plus grand plaisir des adeptes de science-fiction et des esthètes du roman graphique.

Au début était un roman puis vint Yukinobu Hoshino

Parmi les auteurs de SF reconnus, Arthur C. CLARKE fait figure de maître du genre. Connu du grand public grâce au film 2001 : A Space Odyssey réalisé par Stanley KUBRICK, ce roman reste une source d’inspiration. Et c’est grâce à ce roman que Yukinobu HOSHINO nous livre cette merveille de chef-d’œuvre qu’est 2001 Nights Stories.

Pensé comme une suite à la fois au livre et au film, l’auteur nous plonge dans une fresque humaine de conquête spatiale se déroulant sur près de 400 ans. Et cette fresque fait figurer ce diptyque au rang des chefs-d’œuvre de science-fiction nipponne, à ranger aux côtés d’Akira, Ghost In The Shell ou encore Gunm. À la nuance près que le dessin y est plus réaliste et nous fait prendre conscience du gigantisme de l’espace. Car c’est la première chose qui coupe le souffle quand on feuillette ces deux tomes : les dessins. Que ce soit l’infinité de l’espace, les formes géométriques des vaisseaux ou les paysages désertiques majestueux, tout y est magnifique.

Et le format… pardon, le TRÈS GRAND FORMAT (identique à un tome d’Astérix sur les dimensions) permet de profiter d’autant plus de ces planches. Rien que pour la partie graphique, on peut classer ce manga au rang d’œuvre d’art.

À notre époque, le film peut être compliqué à visionner, la faute à un rythme d’une extrême lenteur et à une quasi-absence de dialogue. Le manga lui n’en manque pas. Plusieurs histoires, plus ou moins courtes, ne trouveront un fil rouge qu’au milieu du récit. Pour ceux qui ont vu le film, le prologue plaira grâce à son rappel au premier segment préhistorique du métrage de KUBRICK.


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Un manga aux multiples niveaux de lectures

La force d’un grand récit est d’offrir plusieurs niveaux de lectures. Alors certes la science-fiction est coutumière de cette écriture et la vidéo de horizon_universe sur la morale et l’éthique dans la science-fiction en est une belle preuve. Et ce récit ne déroge pas à la règle. Mais les réflexions qu’il apporte sur notre rapport à notre environnement et sur notre histoire sont incroyables. Chaque histoire apporte son niveau de lecture pour finalement s’inscrire dans un tout cohérent. Si les premiers récits placent l’humanité au sein de l’univers et cherchent à savoir si une forme de vie extra-terrestre existe dans l’immensité vide et glaciale de l’espace, la deuxième moitié du premier tome prend un tournant fort.

La question de la religion est étrangement ce qui va faire avancer le plus le récit. Lorsque l’humanité découvre une source d’énergie nouvelle, on a un parallèle entre la Bible et le péché originel. Ce qui est d’autant plus surprenant quand l’on sait que, généralement, science-fiction aux tendances Hard, SF et religion ne vont pas forcément de pair. Et ce récit va donner tout le liant entre les histoires. L’auteur nous prouve ainsi qu’il sait où il va depuis le début. Car si les histoires semblent déconnectées les unes des autres, ce n’est qu’en apparence sur les premières histoires.

Comme déjà dit, le récit parle de conquête spatiale et d’exploration sur plus de 400 ans. Afin de donner des repères aux lecteurs, on va trouver des mentions éparses à des éléments des récits précédents. Ce qui s’apparentait à un recueil d’histoires isolées devient alors une saga pouvant être comparée à Fondation d’Isaac ASIMOV sur certains points. Attention, la comparaison avec Fondation ne marche que pour les histoires pouvant se lire seules, mais formant un tout cohérent pour qui lit les nouvelles dans l’ordre.

UNE QUÊTE HUMAINE PERPÉTUELLE

Il est très difficile de parler de ce diptyque sans trop en dévoiler. Cependant, ce récit peut s’articuler en trois axes distincts. L’exploration spatiale, la colonisation de nouvelles planètes et la recherche d’une forme de vie intelligente. La force de ces trois axes est le réalisme. Même si certaines choses peuvent être critiquées maintenant, l’histoire datant des années 80, on reste sur un niveau de crédibilité fort, du moins sur le premier tome.

Le récit n’est pas purement de la Hard SF. En effet, il ne s’encombre pas totalement des théories scientifiques et mises en applications probables pour les pans scientifiques. Il n’explique pas ses applications de manière précise. Cela dit, pour un souci de rythme, c’est mieux ainsi. On a toutefois quelques théories qui sont amenées au fil du récit, notamment pour l’apport de la nouvelle technologie permettant l’exploration, qui sont très crédibles.

La colonisation est aussi empreinte de belles réflexions. Plus humaine et “terre à terre”, on y retrouve toute la dimension politique et commerciale, dont la cupidité humaine, quant à l’exploitation des ressources des différentes planètes. Années 80 obligent, on y voit les blocs Ouest et Est se disputer celles-ci. Mais ça reste assez lointain. Les problématiques sont plus sur les terraformations et les dangers inhérents aux différentes planètes. Quand bien même une histoire cristallise très bien le conflit qui a marqué les années 50 à 90 entre les deux blocs.

UNE FABLE HUMAINE

Même si le récit se place dans l’immensité de l’espace, on reste sur une dimension humaine. Les personnages sont tous attachants bien qu’ils n’apparaissent que sur quelques dizaines de pages avant une ellipse narrative de plusieurs dizaines d’années. Et malgré toute cette saga et ces quatre siècles qui sont le théâtre de cette série, un groupe de personnages récurrent donne à lui seul une magie encore plus forte au récit.

D’ailleurs, cette histoire semble avoir directement inspiré le pitch de la série Raised By Wolves parue en 2020 sur HBO Max. Une intelligence artificielle détenant toutes les connaissances de la terre cherche une planète viable pour y implanter une colonie humaine encore à l’état embryonnaire. Cette colonie apparaîtra quelques fois à travers le récit. Et elle sera le lien entre la conquête spatiale et la recherche désespérée d’une forme de vie intelligente. Elle sera d’une certaine manière l’ouverture de la partie colonisation ET la clôture de cet arc narratif.

UNE FAMILLE EN FIL ROUGE DU RÉCIT

Au travers des instigateurs de la colonisation, nous assistons à une évolution humaine. Évolution dans leur psychologie d’abord. Les humains sont de plus en plus ouverts et doués d’empathie sans les dysfonctionnements politiques. Aussi, la vision de l’auteur quant aux formes de vies extra-terrestres est pleine de poésie. Il se base sur de vieilles croyances et la déité de la planète terre (Gaïa) pour étoffer certains pans de son écriture. Et au final, si nous étions les formes de vies intelligentes attendues par d’autres formes de vies ? Et si ces formes de vies nous attendaient pour évoluer et doter leur écosystème d’un nouveau stade de l’évolution ?

2001 Nights Stories est peut-être le manga le plus important à lire cette année pour tout amateur de SF. Le plus gros coup de cœur de votre serviteur de cette année, tous genres confondus. Les histoires, les réflexions que le récit apporte et les dessins forment un immense chef-d’œuvre qui n’était plus disponible depuis très longtemps en France. Cette réédition en deux tomes très grands format (sans le coffret de l’époque) est la meilleure nouvelle de cette fin d’année. Assurément un cadeau à glisser sous le sapin de Noël et à lire, relire et faire découvrir avec la plus grande générosité. Un bijou de littérature.

TITRE ORIGINAL : Nisen’ichi Ya Monogatari
GENRE : Manga
TYPE : Seinen, Science-Fiction
PAYS : Japon
AUTEUR : Yukinobu Hoshino
ILLUSTRATEUR : Yukinobu Hoshino
ÉDITEUR ORIGINAL : Futabasha
ÉDITEUR FRANÇAIS : Glénat Manga
2001 NIGHTS STORIES GENKEI BAN © Yukinobu HOSHINO, 2006 / Kobunsha

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