New Normal – Tome 1 : Pour vivre heureux, vivons masqués

Dans un futur proche, le port du masque est obligatoire en public, afin de limiter la propagation d'une maladie infectieuse. Nés après le début de la pandémie, Natsuki et Hata ont toujours vécu ainsi. Normal donc, pour ces deux lycéens qui se côtoient tous les jours, de ne pas connaître le vrai visage de l'autre... Mais quand les masques tombent, jusqu'où leur curiosité les poussera-t-elle ?

Et si, dans le but de stopper la propagation d’un virus, nos vies étaient entièrement régies par des restrictions sanitaires ? Si ce scénario dystopique nous paraissait original il y a cinq ans à peine, impossible désormais d’oublier à quel point la réalité dépasse la fiction. Les masques et la distanciation sociale n’ont plus rien d’imaginaire. Certains aimeraient ne plus jamais en entendre parler… Pourtant, loin de nous reconfiner dans de mauvais souvenirs, le manga New Normal nous projette dans un nouveau monde aux normes surprenantes.

Cette série, toujours en cours au Japon, est écrite et illustrée par Akito AIHARA. Les deux premiers tomes sont disponibles depuis début 2023 chez Kana. Deux autres paraîtront cet été !

JE VOUS PARLE D’UN TEMPS…

Certes, le monde que nous découvrons dans New Normal n’est pas sans rappeler le nôtre, à l’époque de la pandémie de Covid-19… Mais il s’agit en fait du “monde d’après”. Dans ce futur proche, la société s’est adaptée pour fonctionner malgré la présence d’un virus tenace. Le quotidien des adolescents nés après le début de la pandémie a toujours été marqué par les mesures de prévention. Il est donc tout à fait normal pour eux de porter un masque chez soi et de n’avoir jamais vu le visage de ses meilleurs potes…

La vie quotidienne des personnages a été imaginée dans les moindres détails par Akito AIHARA. Cette précision ressort dans le dessin et évite de longues explications sur leur mode de vie. Le fond minimaliste et clair qui occupe la plupart des cases montre un environnement stérile. L’ambiance souvent froide de ce manga post-apocalyptique est cependant allégée par l’humour et les quiproquos des préoccupations adolescentes. De plus, on remarquera que le mangaka parvient à faire comprendre les expressions de ses personnages seulement avec leurs yeux (eh oui, un masque recouvre le bas de leur visage en permanence)… Chapeau !

La comparaison du quotidien de ces adolescents à celui du monde d’avant s’impose naturellement. D’autant plus qu’un voile de mystère entoure les événements qui ont bouleversé le monde… A la curiosité des personnages principaux s’oppose le grand tabou planant sur le souvenir d’une société sans masques. Evidemment, ceci ne fait qu’attiser leur curiosité, comme la nôtre !

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TA BOUCHE TABOUE

La société représentée dans New Normal, si semblable à la nôtre, nous pousse à la comparaison et invite à interroger le concept de “normalité“, ainsi que les raisons d’être de tout un tas de normes. C’est précisément le rôle d’un autre tabou très prégnant, à la base de l’intrigue : le secret du visage de l’autre. La bouche, en particulier, devient un objet de fantasme, ce qui apporte à l’oeuvre un aspect ecchi décalé.

Si le fantasme décalé étonne au début du manga et le place dans un entre-deux déconcertant mais pas forcément désagréable, l’ajout de scènes ecchi plus classiques (exclusivement portées par des personnages féminins…) lui donne un côté légèrement superficiel. Ce genre de fan service, on aime ou on aime pas… Quoi qu’il en soit, le tabou sur la bouche d’autrui suffit à faire apparaître le dilemme entre libertés et interdictions, entre désirs et devoirs ; d’autant plus que les masques tombent très rapidement !

A bien y réfléchir, on pourrait voir dans ce dilemme un écho à la notion de responsabilité collective, ancrée dans les mœurs japonaises actuelles… un concept que les Français n’ont découvert qu’en 2020, pour contrer une pandémie.

Alternant entre la gravité d’une menace d’ordre sanitaire et la candeur des préoccupations adolescentes, New Normal est un manga à l’ambiance singulière. Bien que les questionnements sur les normes permettent de revisiter les clichés de la rom com, l’intrigue romantique ne brille pas par son originalité. L’aspect dystopique de l’œuvre, en revanche, présente un plus grand intérêt par son réalisme et sa profondeur, et donne envie de lire la suite. Espérons que les sueurs froides que présage ce premier tome seront au rendez-vous dans les suivants !