Bagdad, 2003 : quatre lions emprisonnés dans le zoo, sont libérés suite à un raid aérien de l'armée américaine. Un jeune mâle dominant, deux femelles de deux âges différents et un petit lionceau vont découvrir, en errant dans la ville dévastée, que cette liberté soudaine s'avère plus dangereuse que leur ancienne prison dorée.
L’histoire derrière Les Seigneus de Bagdad
Bagdad, avril 2003. The Guardian informe ses lecteurs que quatre lions ont été abattus par des GI alors que les animaux « sauvages » les chargeaient. Affamés depuis plusieurs jours, les « valeureux » soldats américains n’ont rien pu faire d’autre que d’abattre les animaux. Ceux-ci s’étaient échappés du zoo de la ville en ruines, devenant de fait Les Seigneurs de Bagdad.
Plus de trois plus tard, Le label Vertigo, branche mature de DC Comics, édite un graphic novel relatant les faits. On y suit alors quatre lions échappés du Zoo de Bagdad lors de l’attaque de l’armée américaine de 2003. Animaux humanisés dont on suivra leurs dialogues et mésaventures. De la tentative d’évasion avant l’attaque à leurs libérations forcées et la difficulté pour des animaux de captivité de se retrouver libre.
Un comic book dur
Les Seigneurs de Bagdad, est un récit dur et violent. Malgré les animaux, il n’est absolument pas destiné à un jeune public. Viol, castes, brutalité. Voici quelques-unes des thématiques évoquées dans ce court récit. La plume de Brian K VAUGHAN étant ici des plus acerbes, l’auteur faisant tout pour que l’on s’attache énormément aux quatre lions aux caractères bien distincts. Un récit qui pourrait presque trouver sa place dans un univers post-apocalyptique dont les différentes phases sont présentes. Découverte d’un monde renouvelé, premières rencontres, lutte pour un territoire. Tout y passe avec brio sans pour autant négliger les protagonistes et personnages secondaires.
Et la conclusion de marquer la crédibilité de Vaughan quant au rapport officiel relaté par le quotidien britannique.
C’est d’ailleurs la force de cette histoire. Sans rentrer sur un terrain politique sur le conflit entre les forces américaines et ses alliés envers l’Irak de Sadam Hussein (bien que…), Vaughan livre un essai sur la stupidité de la guerre et surtout de ses dommages collatéraux. Comment un peuple habitué à un quotidien fait quand il est totalement modifié. Les lions pouvant d’ailleurs être l’allégorie du peuple irakien sous le régime Hussein. Nourri, mais aveuglé quant aux réalités de leurs élites politiques, qui ne se rebellent pas face à un tyran. Qui tend même à vouloir le protéger, car, même si privé de sa liberté, est nourri. La servitude serait alors une thématique de fond de ce récit. Et, que l’on retrouve sous plusieurs formes. Par les lions d’une part, mais aussi d’autres personnages que nous retrouverons plus tard, notamment dans un des palais visités.
À lire aussi : KILLADELPHIA : UN COMICS QUI A LES CROCS
Quatre lions, trois personnifications
Toutes ces thématiques sont abordées avec brio au cours de ces 144 pages. Une des lionnes incarnant la rébellion, deux autres la vie en captivité depuis leur plus tendre enfance et un lionceau né sous cette captivité. On peut voir les différentes faces de personnes ayant connu l’arrivée d’un régime autoritaire. Les anciens se rendant compte de la perte de liberté, ne pouvant vivre que dans les souvenirs d’un autre monde alors que les deux autres incarnent la résignation. Trois facettes d’une vie très différente, superbement orchestré et dont Ali, le lionceau, est une sorte de moteur pour tenter de savoir ce qu’il en est du monde en dehors de ce qu’il a connu.
Une histoire sublimée par les dessins de toute beauté de Niko HENRICHON qui livre quelques planches merveilleuses. Il a su accentuer tant le côté violent et absurde des conséquences de la guerre que le pathos lié à certaines scènes d’introspection. Sans forcément être le plus dessinateur le plus talentueux que les comics peuvent avoir, il réussit grâce à ses planches à retranscrire le discours de Brian K. VAUGHAN en livrant tout de même quelques planches qui feront que l’on s’attarde dessus avec plaisir.
Vous l’aurez compris, malgré son propos dur et une fin bien loin des happy end, Les Seigneurs de Bagdad est un coup de cœur qui mérite sa place dans toutes les bibliothèques. Et avec la collection poche de chez Urban Comics, pourquoi se priver ? Dans tous les cas, que vous optiez pour le format Nomad à 5€90 ou le grand format à 17€, vous passerez un très bon moment de lecture.
Les Seigneurs de Bagdad n’est absolument pas un livre tout public. Certaines scènes très crues pourront choquer un jeune public. Cependant, c’est un titre qui traite avec brio un fait divers pour en faire une fable moderne traitant de l’absurdité de la guerre du point de vue des civils. Un comics violent et pour public averti, mais qui reste une lecture passionnante et marquante.
TITRE ORIGINAL : Prides of Bagdad
GENRE : Fantasy / Thriller
PAYS : Royaume-Uni
ÉDITEUR ORIGINAL : Vertigo
AUTEUR : Brian K. Vaughan
ILLUSTRATEUR : Niko Henrichon
COLORISTE : Niko Henrichon
ÉDITEUR FRANÇAIS : Urban Comics