Silence de Yoann Vornières : Entre manga et Sans un Bruit

Le jeune Lame et son village sont coupés du reste du monde. Les monstres, qui les repèrent grâce au son et plus particulièrement à la voix, les ont contraints à communiquer par la langue des signes.
Mais dans un monde où règne une nuit permanente, les ressources viennent à manquer. Alors que Lame accompagne Gris, le chasseur du village, dans une expédition de ravitaillement à l’extérieur, ils sont attaqués, car le jeune garçon rompt par inadvertance le silence.
Lame, rongé par la culpabilité, va tout faire pour se racheter et va faire une découverte qui pourrait bien changer du tout au tout le destin du village…

UN PREMIER TOME CONVAINCANT

Yoann VORNIÈRE est un jeune auteur dessinateur prolifique. Après une première BD financée par crowdfunding et intitulée Sois heureux et meurs, il rencontre Jim BISHOP. Il réalise avec lui la BD Jill & Sherlock chez Ankamace qui lui permet de se faire remarquer. Il revient cette année avec son manga Silence. Un shonen atypique où les personnages ne s’expriment que par langage des signes.

Et si l’absence de dialogue “parlé” peut perturber au début, car elle se remarque fortement, c’est totalement justifié par le scénario. Dans une ambiance post-apocalyptique à une époque éloignée de la nôtre, des démons ont envahi notre monde. Très sensibles au son, les habitants survivent dans des refuges qu’ils se sont fabriqués. Des refuges insonorisés par endroits et permettant de s’abriter du froid hivernal qui règne en permanence. À la suite d’une expédition tournant mal, le chasseur du groupe est grièvement blessé. Lame s’en va alors chercher de quoi manger. Et c’est le gros twist du manga qui va emmener tout le groupe de survivants dans une aventure périlleuse.

UNE NARRATION MAÎTRISÉE

La force de ce premier tome est de ne pas faire dans l’exposition pure et dure. Bien au contraire. On nous présente les personnages, les lieux et la situation sans être lent. Et si les dialogues peuvent surprendre du fait d’être silencieux, ça reste un coup de maître. On ressent ce silence et ces dialogues via la langue des signes. Au point où les premières pages sont aussi déroutantes que pesantes. Mais on s’attache fortement à Lame et à ses camarades. Un personnage typique de shonen et qui coche pas mal de cases de l’archétype du héros occidental à la fois.

Et si les surprises ne sont pas forcément au rendez-vous, le plaisir de lecture reste là malgré tout. Comprenez bien que nous avons des codes classiques de narration, mais qui sont assez bien menées pour que l’on ait envie de voir comment nos personnages vont réagir, évoluer et surtout savoir où l’auteur va nous mener avec son récit. De plus, le bestiaire rencontré et les personnages amenés au fur et à mesure du récit sont suffisamment intrigants et/ou attachants pour que l’on se retrouve à la fin du tome à vouloir lire la suite.

UNE CHARTE GRAPHIQUE FORTE

La France est un pays riche pour le manga. Reno LEMAIRE, Philippe CARDONNA et quelques autres ont ouvert la voie aux acteurs actuels du manga francophone (ou franga pour certains). Et en regardant les précédents travaux de Yo-One sur Jill & Sherlock, il était difficile d’imaginer un changement aussi radical de style pour Silence. Fini les traits plus “enfantins” de sa précédente œuvre, place à un dynamisme tout droit venu des plus grands succès nippons du genre.

Car à la lecture de ce tome, il ne fait nul doute que Yo-One a bien révisé son sujet pour affiner son style. Que ce soit les scènes intimistes comme les scènes d’action, le style y est toujours clair et lisible. Qui plus est, malgré le nombre de personnages secondaires, tous ont un design très marqué et qui permet de bien les distinguer. La patte graphique de Yo-One aide énormément à ce que l’on s’investisse dans l’histoire qui nous est contée.

Pour son premier récit en tant que scénariste et dessinateur, Yoann Vornière (ou Yo-One) nous livre un manga intrigant où les humains ont peut-être une lueur d’espoir quant à leur avenir suite à une invasion de yokaï et une nuit perpétuelle. Un premier récit convaincant qui donne envie d’en lire plus et de plonger dans cet univers. Si les codes du shonen sont respectés, le manga n’en est pas pour autant une lecture déplaisante. Bien au contraire. Et les dessins de l’auteur aident énormément à l’investissement pour cette œuvre. Un manga à suivre.