Salamandre : Un roman (autobio)graphique

Kaspar Salamandre est un jeune artiste endeuillé qui est envoyé vivre chez son énigmatique grand-père dans un pays gouverné par un régime oppressif, où il ne peut y avoir qu’un être adulé : l'Empereur.
Dans ce pays où les fleurs sont des objets de contrebande où la musique est illégale et dans lequel l'art se crée dans la clandestinité, Kaspar découvre un monde peuplé d’artistes révolutionnaires, d’espions et de membres de la police secrète.

UNE ŒUVRE TRÈS PERSONNELLE

Dans chaque œuvre, on retrouve une part de son auteur. Avec Salamandre, Ian CULBARD nous livre surtout une partie de son enfance. Une enfance passée entre la campagne anglaise de Greenwich et des étés en Pologne d’avant la chute du mur. Du moins c’est ce que laisse à penser ce roman graphique. Car si l’on enlève les éléments purement fictionnels, on ressent un vécu fort de la vie entre les deux blocs européens d’avant 1989. Cette information reste supposée puisque la date de naissance de l’auteur est inconnue. Cependant, tous les personnages interagissant dans l’histoire sont, à l’instar de Morris, des personnes réelles revues pour le medium. Le grand-père de Kaspar est le grand-père de Ian, il a vraiment connu une artiste ayant énormément de chats dans sa jeunesse… Cela permet de renforcer l’impact émotionnel du livre.

C’est ce qui permet à ce livre d’être aussi fort. Les personnages existent, ils ont leurs vies et semblent sortis du réel. En dehors du père que le jeune Kaspar Salamandre perd très tôt, les autres personnages sont très concrets. Et si la mort du père n’est jamais confirmée dans le livre, c’est parce que l’auteur y a mis son ressenti quant au divorce de ses parents. Après cette séparation, le jeune Ian ne verra plus jamais son père et ce jusqu’à sa mort. Une douleur forte qui se ressent totalement à travers le récit et dont la dédicace en fin d’ouvrage renforce la charge émotionnelle.


À lire aussi : The Crow: Du deuil au chef-d’œuvre



UNE ALLÉGORIE DES DEUX EUROPES

La chose qui frappe est ce retour en arrière pour tous ceux approchant ou ayant dépassé les 40 ans. En effet l’histoire nous narre la vie des deux côtés du Voile de fer, allégorie à peine voilée du Rideau de fer qui scindait l’Europe en deux il y a encore 35 ans. Côté ouest, un peuple libre de penser, de faire la fête, d’écouter de la musique… libre de vivre. De l’autre, un monde où toute expression personnelle est proscrite. Tout est soumis au contrôle du gouvernement. Mais nous voyons ça à travers les yeux d’un enfant qui ne mesure pas tout ce que cela implique et avec une forme d’innocence.

Au cours de son voyage et de son séjour, Kaspar Salamandre va rencontrer des personnages mystérieux. Son grand-père qui semble être une source de mystères sans fin, des personnages secondaires comme Swann, artiste dont les enfants de la région assimilent à une sorcière et Marcel Champignon qui est le chef de la police de Monolithe et un personnage retors. Au fur et à mesure de la lecture, on ressent fortement la pression du bloc est. Mais sans que cela soit sombre, dur, cru, l’émotion familiale et le ressenti de Kaspar étant le moteur de l’histoire.

SURMONTER SON DEUIL

Malgré cette chape de plomb et grâce à la résistance de son grand-père et de ses connaissances, il va non seulement surmonter ce régime policier mais aussi son deuil. Depuis la perte de son père, le jeune Kaspar a perdu toute envie de dessiner. Ce séjour chez son grand-père à côtoyer sa cousine et ce monde si proche et à la fois si différent du sien, lui permet de retrouver ce besoin de se livrer à son art.

Mais pour se retrouver le jeune homme devra passer par plusieurs mésaventures et rencontres. Ainsi il passera du garçon renfrogné, dur et malpoli au garçon jovial et agréable qu’il était. Et si ce récit “initiatique” est présent, c’est avant tout un récit chargé d’émotion qui se fait jour au fur et à mesure que l’on tourne les pages. Un récit émouvant avec une douce mélancolie. Des aveux de l’auteur pour Comics Stories, c’est même totalement ce qu’il recherchait. Au point même où il a dû modifier certaines cases pour ne pas être trop impacté lui-même par ce récit.

Salamandre est une œuvre merveilleuse et touchante. Au travers les yeux d’un jeune garçon, nous découvrons un monde rappelant l’Europe d’avant la chute du mur de Berlin. Mais bien plus qu’une œuvre politique, c’est un récit autobiographique fortement romancé qui nous raconte la vie du jeune Culbard. Une vie où il doit composer avec l’absence d’un père et la découverte d’une famille qu’il ne connait pas. Et, un peu comme l’a fait Sartre avant lui avec Les Mots, Ian Culbard nous raconte comment il est (re)venu aux dessins. Un chef-d’œuvre à lire absolument.

TITRE ORIGINAL : SALAMANDRE
GENRE : Roman (autobio)graphique
PAYS : Angleterre
ÉDITEUR ORIGINAL : Dark Horse
AUTEUR : Ian Culbard
ILLUSTRATEUR : Ian Culbard
COLORISTE : Ian Culbard
ÉDITEUR FRANÇAIS : 404 Graphics / 404 Éditions
Salamandre © Culbard/404 éditions

Konata Nekoyama aime

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Konata Nekoyama aime