Yan : Une histoire de vengeance

La famille de Yan, 15 ans, fait partie de la prestigieuse troupe de l’Opéra de Pékin… Mais le jour où tous ses membres sont sauvagement assassinés, l’adolescente se retrouve accusée à tort de ce meurtre sordide ! Seule survivante du massacre, elle sera incarcérée durant de longues années dans un centre de recherche tenu secret. Mais l’heure de vérité a sonné. De retour parmi les vivants, Yan n’a rien oublié. Revêtue du traditionnel costume théâtral que sa famille avait coutume de porter, elle va entrer dans une spirale de vengeance…

DE L’OPERA DE PEKIN À LA PRISON

La Chine et ses traditions. Difficile d’être promis à la vie d’actrice du prestigieux opéra de Pékin quand on 15 ans. C’est ce que l’on découvre via Yan, 15 ans. La jeune fille, en plus de ses cours traditionnels, suit la voix de sa famille sur les planches. Cependant, ce parcours choisit pour elle ne lui convient pas et cela tend ses rapports avec sa mère. Quand bien même ceux-ci sont compliqués, et alors que leurs représentations sont de moins en moins suivies, la vie de Yan prend un tournant tragique lorsque sa famille est brutalement assassinée. Accusée à tort du meurtre, elle passe plusieurs années en prison dans un centre gouvernemental secret. C’est alors que sa soif de vengeance va s’assouvir.

De prime abord, nous avons avec ce manhua une quête de vengeance classique. Une jeune fille revient venger l’assassinat brutal de toute sa famille. Cependant, son retour à la vie civile va être marqué de deux façons. Premièrement, elle a une force et un calme sans pareil. Dès les premières pages de son retour à la vie civile on la voit arrêter un vol à main armé sans souci. Un premier élément perturbant quant au récit qui nous est présenté. Alors que l’on s’attend à ce qu’elle retrouve les meurtriers de sa famille, nous nous préparons à un plan froid visant à les retrouver un par un. Le genre de scénario classique.

YAN, Vol.1 © 2020 by Chang Sheng © 2024, éditions Glénat

UN SCENARIO CLASSIQUE DE PRIME ABORD

Mais le récit va plus loin sans pour autant éviter les poncifs du genre. Entre la police qui a bâclé son travail sous les ordres de politiciens véreux et sa vengeance, le récit va nous amener petit à petit vers un twist que l’on ne voit pas venir. Tout d’abord, on va rencontrer les deux premiers alliés de Yan Tiehuan dans sa nouvelle vie. Une ancienne camarade et un policier chargé de l’affaire lors de la découverte du corps de la famille Tiehuan. Si les rencontres et les liens qui se tissent ne brillent pas par leur originalité, c’est par l’écriture de leurs relations que le récit tire son épingle du jeu.

Car c’est là la force du récit. Tout en action et en art séquentiel, les passages plus narratifs, finalement assez maigre, permettent de bien approfondir les états d’esprit des personnages. Les rapports entre eux. intensifient alors totalement le récit. Que ce soit par les dessins fabuleux ou les scènes d’actions très cinématographiques, ce manhua brille par son efficacité. La caractérisation des différents protagonistes est marquée par une écriture bien pensée quoique parfois un peu déroutante. En effet, cette alliée que l’on rencontre environ à la moitié de ce premier livre est auréolée de mystère qui nous donne envie d’en savoir plus sur elle.

YAN, Vol.1 © 2020 by Chang Sheng © 2024, éditions Glénat

UN TWIST INATTENDU

Et c’est là que le récit marque. Il est très difficile d’en parler sans trop en révéler du livre. Mais ce twist va permettre au livre de passer d’un très bon récit de vengeance à une œuvre originale se plaçant au-dessus du lot. Si les plus attentifs ont pu voir venir ce tournant dans la narration, le lecteur s’étant laissé porter par l’histoire se retrouve agréablement surpris. Vient alors la seconde partie du récit qui va prendre une dimension tout autre, sans perdre de vue son intrigue principale.

Les liens entre les différents personnages nous permettront alors d’appréhender le récit d’une tout autre manière et de vouloir faire la lumière sur tout ce qui a été mis en place durant les deux tiers de ce premier tome. Une première partie qui passe alors pour une exposition forte malgré une action prédominante. Et c’est là toute la qualité du récit. Son écriture fluide permet de ne pas voir les choses venir et de ne pas remarquer les codes de construction narrative. Une belle prouesse pour le cinquième titre de l’auteur taiwanais publié et France.

UN AUTEUR QUI CONFIRME SON TALENT

Pour son cinquième titre publié en France, Chang Sheng nous prouve, s’il en était encore besoin, l’étendue de son talent. Déjà remarqué avec son titre Oldman paru chez nous en 2013 chez Kotoji, Chang Sheng nous livre ici un récit de vengeance mêlé de conspiration politicienne. Habitué des thématiques mêlées sur différents genres, son dernier titre, prévu en 3 tomes, ne déroge pas à la règle.

Et, une fois n’est pas coutume, ne vous fiez pas à la couverture, bien que sublime, de ce titre. Malgré un rose et son personnage pouvant laisser penser à un shōjo, nous avons bien ici un seinen fort et riche dont la lecture est chaudement recommandé. Yan est sorti chez nous en avril et le prochain tome sort début juillet 2024. Foncez lire ce titre qui est un grand coup de cœur de la rédaction.

Cinquième titre de l’auteur taiwanais Chang Sheng publié en France. Et un coup de cœur absolu. Avec Yan, l’auteur nous livre un récit de vengeance palpitant aux méandres riches. Un titre qui permet de montrer toute l’étendue du talent de scénariste de l’auteur, mais aussi de dessinateurs. Livrant des planches d’art séquentiel de toute beauté, toujours au service de la narration pour construire un récit plus riche qu’il n’y paraît de prime abord. À lire au plus vite.

YAN, Vol.1 © 2020 by Chang Sheng © 2024, éditions Glénat