Cet article est une archive de l'interview publiée le 12 mars 2018 sur MangAnime.
À l’occasion de la sortie du film Sword Art Online – Ordinal Scale dans les salles françaises [ndlr. le 17 mai 2017] rencontre avec Shingo ADACHI (directeur de l’animation et chara-design) et Shinichiro KASHIWADA (producteur).
Comment se passe le rôle de directeur de l’animation dans la production d’un animé ?
S. ADACHI : Mon travail en tant que chara-designer et de directeur de l’animation est de dessiner les personnages pour que l’équipe puisse les comprendre et les animer. Mais également de faire les « Key Visuels » ou « Visuels Clés » du projet.
Vous le savez sans doute, mais au Japon, il y a beaucoup d’offres d’animés et de films d’animations. Parmi toutes celles-ci, il faut choisir ce que l’on produira vraiment. Donc pour ce faire, on doit montrer des « Key Visuels » et c’est sur cela qu’on juge si un anime vaut le coup d’être produit ou non. Le plus important quand on fait de l’animation, c’est de se dire que nous devons être vu par le plus de personnes possible.
Tout ce travail va reposer sur moi. D’une part, pour ces visuels afin que nous choisissions le projet, et d’autre part, pour qu’il y ait des gens qui désirent se mettre devant leur poste de télévision afin de regarder un épisode.


Par exemple, quand on regarde le visuel de l’animé Sword Art Online et qu’on voit que les personnages sont « trop classes », cela donne envie de voir au moins un épisode et de découvrir la série. Cela représente 50% de mon travail. Donner envie aux personnes qui voient ces visuels de découvrir la série. Après, le gros travail, c’est le réalisateur qui s’en occupe !
Évidement, c’est surtout un travail d’équipe. Car il y a aussi le travail du réalisateur, du producteur, qui fait que si l’histoire n’est pas intéressante, ça risque d’être difficile pour nous de travailler dessus. Heureusement pour l’animé, M. KAWAHARA a écrit une bonne histoire, ce qui fait que nous avions déjà un bon contenu scénaristique. Après c’est tout le travail et l’expérience de l’équipe de production qui fait que cela donne une bonne série.
On imagine que vous avez travaillé main dans la main avec Reki KAWAHARA et abec pour les deux premières saisons de l’animé Sword Art Online. Ce film-ci étant une œuvre originale, est-ce que cela a changé votre manière de travailler avec eux ?
S. KASHIWADA : Pas spécialement. Pour ce film, nous avons travaillé de la même manière que pour les deux saisons de l’animé avec M. KAWAHARA. Car sans l’auteur, on ne peut rien faire. M. KAWAHARA et abec ont fait en quelque sorte « le squelette » du projet pour le film. Et c’est M. ITO, le réalisateur, et M. ADACHI qui ont fait en sorte que ce soit vraiment agréable à regarder.
Comment s’est déroulée la production du film ?
S. KASHIWADA : Le projet du film a commencé en fin 2014, à la fin de la saison 2, dès lors que nous avions discuté du projet de film, nous nous y sommes intéressés. À ce moment-là, nous voulions continuer le projet Sword Art Online mais nous n’avions pas encore décidé du format que cela allait prendre. Si nous faisions une autre série, un film, etc… ce qui a donc mené à plusieurs discussions entre producteurs.
Lors d’une des réunions, M. KAWAHARA a dit vouloir traiter le sujet de la Réalité Augmentée. Et donc, nous nous sommes dit que pour ce sujet, au lieu d’en faire une série, nous allions en faire un film. Fin 2014, la décision a été prise, nous avions choisi de réaliser le film. Toute l’année 2015 était donc dédiée à l’écriture du scénario. Puis, en fin 2015, nous avions un scénario final avec quelques planches de story-boards.
S. ADACHI : Puis, c’est début 2016 que nous avons commencé à dessiner, dessiner, dessiner, animer et monter. Nous aurions dû terminer pour fin 2016, mais nous avons un peu débordé sur début 2017.

Quel est le rôle d’un producteur dans la production d’un film ou d’un animé ?
S. KASHIWADA : Il y a plusieurs types de producteurs pour un animé. Il y a le producteur qui gère la production et la réalisation au studio. Il y a la production qui gère la diffusion, et puis ceux qui gèrent les produits dérivés.
Concrètement, mon rôle en tant que producteur chez Aniplex est de gérer le projet en amont. C’est-à-dire qu’avant tout, je dois choisir un projet, en me demandant « Qu’est-ce qui va plaire au public ? ». Une fois le projet choisi, je vais principalement faire un plan de financement. Mais également faire attention à ce que nous ne soyons pas dans le rouge financièrement.
Aviez-vous une liberté totale ou une « trame » à respecter lors de la création des personnages de SAO pour la toute première fois ?
S. ADASHI : Effectivement, il y a des illustrations qui sont faites à la base. Après il y a deux types de chara-designers. Il y a ceux qui vont prendre le dessin original et juste le transposer. Et il y a ceux qui vont prendre le dessin original et y rajouter leurs touches personnelles. Personnellement, je fais partie de la deuxième catégorie de personnes. J’aime rajouter ma petite touche personnelle dans l’illustration qui est faite.
Quand je modifie une illustration, j’essaye de comprendre le personnage et de mettre en avant ses qualités et ses compétences visuellement, pour qu’on les remarque instantanément dès qu’on voit le personnage. C’est ainsi que j’ai procédé pour les personnages de SAO. Mon deuxième défi est également d’attirer un public, n’ayant jamais lu le light novel, ni vu les illustrations, et de leur faire aimer les personnages tels qu’ils sont dans l’animé.

S. KASHIWADA : De notre côté, chez Aniplex, en soumettant le projet à M. ADACHI, nous savions qu’il aurait rajouté sa touche personnelle aux personnages. Évidement, les personnages de abec sont très beaux. Mais lorsque nous avions demandé à M. ADACHI de rejoindre le projet, nous savions qu’il allait donner un plus aux personnages et c’est également ce qui a plu au public.
Même si les personnages des illustrations de base sont super, certaines personnes restent parfois tellement basées dessus que ça les bloque. Et cela rend les personnages moins attractifs au final dans l’animé. C’est pour cela qu’avec M. ADACHI, nous savions que les personnages et le dessin allaient être différents. Mais également que cela allait apporter quelque chose de nouveau aux personnages originaux, qui serait bénéfique pour la série.
S. ADASHI : Par exemple, nous avons d’un côté les fans des dessins originaux de abec, et de l’autre les personnes qui aiment mon travail. Lorsqu’on fait la séparation entre les fans des personnages Sword Art Online, ceux qui aiment les deux représentent une minorité. Mais le public qui est touché, c’est à la fois les fans de abec et ceux de mon travail en tant que chara-designer. Car si nous adaptions uniquement les personnages de abec sans rajouter une touche personnelle, le public touché par l’animé serait plus restreint. C’est plus ou moins ma vision des choses sur ce sujet.

Un message pour les fans français ?
S. ADASHI : J’ai pu assister à l’avant-première du film au Grand Rex à Paris avec des fans français, c’était vraiment une superbe expérience ! Par exemple, il y eut des scènes dans le film, auxquelles je ne m’attendais pas et où tout le monde dans la salle réagissait énormément. Quant aux scènes où nous savions que ça allait plaire aux spectateurs, leurs réactions sont allées au delà de ce que nous nous attendions. Les gens applaudissaient et ne cachaient pas leur joie !
S. KASHIWADA : En mai, la version française de Sword Art Online – Ordinal Scale sortira dans les salles de cinéma, j’espère que le film vous plaira. Sword Art Online, c’est vraiment le projet qui nous a fait comprendre à quel point le public en dehors du Japon était en attente. Nous nous en sommes rendus compte. Et nous ferons notre maximum pour vous proposer nos futurs films en quasi simultané avec leurs sorties japonaises. Nous remercions énormément le public français et étranger et nous espérons pouvoir faire à l’avenir chez Aniplex, d’autres projets qui plairont aux fans français !
©2016 REKI KAWAHARA/PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION ASCII MEDIA WORKS/SAO MOVIE Project
Propos recueillis le 20 février 2017 par Jonathan “Jojo Tout Cour” Guetta pour MangAnime – Association (aujourd’hui dissoute). Remerciements à Aurélia Zedin et Olivier Cervantes de Wakanim, ainsi qu’à Timothy Killian et Sylvie Brevignon de All The Anime.