Tokyo, dans un futur proche où plane la menace constante d’un séisme ravageur. Yuta et Kou, deux amis inséparables s’amusent à perturber l’ordre établi de leur lycée. Après un mauvais coup de trop, la direction du lycée déclenche des représailles et met l’établissement sous le contrôle d’une IA de surveillance. Dans un climat de suspicion généralisé, la relation entre les deux amis est mise à l’épreuve : l’un choisit l’indifférence, l’autre la révolte.
Pour son premier long-métrage, le cinéaste Neo Sora nous emporte dans une dystopie Tokyoïte sous tension, où plane la menace constante d’un séisme ravageur. Ode à la liberté individuelle et à la jeunesse, HAPPYEND est un bijou de réalisation et de narration, le tout au service de messages politiques forts et puissants.
Un film résolument politique
Dès les premières secondes, HAPPYEND s’ouvre sur un Tokyo froid dans un futur proche où le risque d’un puissant séisme se rapproche et fait naître un climat de tension social particulièrement puissant dans une société japonaise au bord de l’exposition. Engendrant, par la même occasion, la montée de la xénophobie et des politiques extrémistes, qui ne manqueront pas de rappeler un certain président états-unien.
Nous suivons ainsi, les membres du club de musique électronique (Yuta, Kou, Ata-chan, Ming et Tomu) d’un grand lycée privé de Tokyo, essayant chacun d’évoluer et de grandir dans ce système au bord de l’explosion ; mais c’est sans compter sur une mauvaise blague commise sur la voiture du principal, qu’une technologie de surveillance par IA est mise en place au sein des lieux… Remettant ainsi en cause la liberté individuelle et la morale derrière cette surveillance de masse forcée, au service d’une hypothétique sécurité et du bien commun.

L’importance de la liberté individuelle
À travers une narration particulièrement efficace, Neo Sora questionne sur l’importance de la liberté individuelle des êtres, tout en remettant en cause le principe de la responsabilité collective, matérialisé par cet outil de surveillance à l’IA. Un outil transformant chaque petit délit ou élève marginal en “bête de foire” devant tous les étudiants. Nous rappelant, non sans mal, le système de crédit social chinois. Au fil de la narration, nous assistons à un éveil des consciences, principalement portés par Fumi, interprétée avec brio par Kilala Inori ; Une étudiante militante à la conscience politique développée (et habituée aux nombreuses manifestations tokyoïtes contre les partis d’extrêmes), qui va mener un combat de liberté au sein de l’établissement contre leur proviseur, en compagnie de Kou et de nombreux autres étudiants étrangers de l’établissement.
Quand la peur nourriT les discriminations
Parmi les nombreuses autres thématiques fortes d’HAPPYEND, nous pouvons évoquer le traitement des étrangers, sous un fond de dystopie lié à la crainte d’un puissant séisme qui a lieu tous les dix ans. Mais quel est le lien entre un séisme et la montée de la xénophobie ? Pour cela, le cinéaste s’inspire du séisme de 1923, ayant déclenché (par effet ricochet au milieu du chaos) le génocide du peuple coréen Zainichi ; le gouvernement japonais de l’époque et les civils ayant accusé les Coréens d’avoir empoisonné les puits du pays. C’est de ce triste récit que Neo Sora s’inspire pour le contexte socio-politique d’HAPPYEND ; une société bloquée dans une boucle sans fin, où la peur de l’étranger et les discriminations ne sont aujourd’hui que décupler à travers la technologie, les réseaux et les médias…

HAPPYEND ou le passage à l’âge adulte
Au-delà de ses thématiques, l’une des forces d’HAPPYEND réside avant tout dans ses personnages. En effet, nous y suivons, dès le début, notre club de musique solide et soudé, enchaînant les quatre-cents coups, non sans une certaine naïveté vis-à-vis du monde qui les entoure. Nous suivons ainsi le duo inséparable Yuta et Kou, l’un est un passionné aveuglé par sa musique, éternel enfant qui refuse de grandir, le second, d’origine coréenne et d’un tempérament plus posé. Nous avons également le duo Ata-chan et Ming, plus calmes et (hélas) moins mis autant en avant que notre duo principal. Et nous avons aussi Tomu, étudiant étranger, véritable conciliateur du groupe.
Au fil de la narration, nous prenons plaisir à suivre l’évolution de ce groupe aussi hétéroclite que soudé, qui gagne en maturité au rythme des événements. Impossible néanmoins de ne pas ressentir une certaine mélancolie à la vue des différents chemins qui séparent peu à peu nos protagonistes, chacun écrit et développé avec une rare justesse. Que ce soit l’amitié entre Yuta et Kou mise à l’épreuve (lorsque l’un décide d’agir pour changer les choses, l’autre reste focalisé dans son illusion musicale, tel un enfant qui refuse de grandir) ou encore les plans d’avenir d’Ata-chan, Ming et Tomu, nous assistons à l’happy end de leur scolarité, sous ce Tokyo sous tension, mais où chacun finit par trouver sa propre route.

Un film QUI EXPLOITE SES IDÉES AVEC justesse
Avec toutes ces thématiques abordées, nous pourrions croire qu’HAPPYEND est un film qui se perd dans ses idées… Pourtant, il n’en est rien. Neo Sora nous offre un premier long-métrage aux messages puissants tout en conservant une narration claire et qui tient la route ! Bien que le film soit en partie de la science-fiction, le cinéaste ne tire pas sur cette corde et focalise davantage son œuvre dans un esprit de cinéma de genre ; conservant ainsi la crédibilité et le réalisme de cet univers, radicalement marqué par la réalité de notre société actuelle.
Le film garde un rythme assez soutenu, sans temps mort, et qui arrive sans difficulté à nous tenir en haleine dans ce Tokyo inédit, sous tension. Nous sommes également marqués par la justesse et le réalisme des protagonistes, qui sont véritablement au cœur du film et, par leur écriture respective, arrivent à mettre en lien, et ce, avec une intelligence folle, toutes les thématiques abordées dans le récit (la discrimination, la liberté individuelle, l’évolution de chacun…). Ici, chaque personnage sert parfaitement ce récit à la fois complexe et passionnant ; et par effet ricochet, arrive à nourrir et à faire évoluer l’histoire à sa manière.

Neo Sora signe Une réalisation impeccable
Outre la narration, Neo Sora signe avec HAPPYEND, une réalisation globalement impeccable. Nous apprécions la force de la mise en scène à travers un casting de comédiens pourtant pas habitué à l’exercice cinématographique (la plupart étant simplement mannequins). Mais qui réunissent toutefois à nous transmettre des émotions fortes grâce à leur sincérité et au côté authentique qui se dégage de leur personnalité et de leur prestation maîtrisée.
Une des forces de la réalisation de Neo Sora réside également dans le soin apporté à cet univers. Le cinéaste nous plonge dans un Tokyo particulièrement froid ; et focus davantage l’aspect dystopique de l’œuvre par le prisme de la situation socio-politique du pays qu’à travers l’évolution technologique (qui ne se résument qu’à des écrans géants, des contrôles d’identité au scan, les nuages d’informations géants ou l’exploitation de l’intelligence artificielle…). Que ce soit à travers le récit ou la réalisation, Neo Sora se sert de cette dystopie pour alimenter un contexte anxiogène qui nourrit jusqu’au moindre détail la mise en scène, avec brio.


Visuellement et musicalement riche
Le film séduit également par son impressionnant travail de cadre et de photographie, porté par le directeur de la photographie, Bill Kirstein (Ryuichi Sakamoto Opus ou encore Mean Girls, lolita malgré moi). Nous apprécions tout particulièrement le soin apporté à la palette de couleur sombre et froid de cet univers recouvert d’un ton grisâtre, tombant souvent dans les noirs ; Ou encore l’exploitation du séisme omniprésent aussi bien physiquement que symboliquement, reflétant aussi bien les fondements de l’amitié entre Yuta et Kou qui s’ébranle à l’image du monde qui les entourent.
Impossible de ne pas évoquer la beauté de la bande originale signée Lia Ouyang Rusli, qui accompagne parfaitement le récit et ses moments clés. L’artiste signe une variété de morceaux électroniques aux arrangements classiques, dont rien que le morceau d’ouverture arrive à nous transporter et à donner le ton de l’œuvre dès ses premières secondes. Lia Ouyang Rusli incorpore une palette musicale riche qui accompagne avec brio la photographie de Bill Kirstein et la mise en scène de Neo Sora ; une véritable symbiose fort salutaire !

Avec HAPPYEND, le cinéaste Neo Sora signe un véritable bijou intimiste et profondément politique. Le cinéaste nous embarque avec brio dans un Tokyo dystopique et légèrement futuriste, où les tensions socio-politiques nourrissent les discriminations et remettent en cause la liberté individuelle de chacun. Avec une intelligence d’écriture rare, le cinéaste arrive à incorporer à son métrage de nombreuses thématiques fortes reflétant notre société actuelle, sans jamais se perdre dans ses propos ; le tout porté par des protagonistes puissants en pleine conscience de leur réalité, rendant ainsi hommage à une jeunesse politique japonaise rarement mise à l’écran.
TITRE ORIGINAL : HAPPYEND
GENRE : Drame, science-fiction
TECHNIQUE : Prise de vues réelles
DURÉE : 1h53
PAYS : États-Unis et Japon
DATE DE SORTIE FR : 1er octobre 2025
RÉALISATION : Neo Sora
SCÉNARIO : Neo Sora
AVEC : Hayato Kurihara, Yukito Hidaka, Ayumu Nakajima, Yûta Hayashi, Shina Peng et ARAZI
PRODUCTION : Cineric Creative et Cinema Inutile Production
DISTRIBUTEUR FR : Eurozoom
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