Rangoon, Birmanie, 1918. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.
Après Journal de Tûoa en 2021, le cinéaste Miguel Gomes nous revient avec un long-métrage aussi particulier qu’audacieux avec Grand Tour. Véritable plongée au cœur de l’Asie des années 30, Miguel Gomes nous offre avec Grand Tour, un agréable road-trip amoureux dans un film hybride, cassant les genres et (parfois) le quatrième mur, aux quatre coins de l’Asie… Une expérience qui embarquera avec elles, les plus friands du genre, mais qui laissera les plus sceptiques sur le bas-côté.
Une histoire aux quatre coins de l’Asie
Grand Tour nous conte l’histoire d’Edward (Gonçalo Waddington), un fonctionnaire, qui, décide à quelques heures de son mariage, d’abandonner sa fiancée, Molly (Crista Alfaiate). Sur un coup de tête, le jeune homme, fonctionnaire au service de l’Empire britannique en Birmanie, se retrouve embarqué pour un grand tour d’Asie qui va durer de quelques mois… À quelques années. Intrépide, il est néanmoins suivi à la trace par Molly, déterminée à épouser l’homme de sa vie, au péril de sa propre vie.
Au-delà de son récit, Grand Tour se démarque principalement par son ambiance et son découpage, respectant avec brio, les codes de l’époque, mais surtout par son audacieuse exploration des cultures linguistiques. En effet, à chaque pays exploré par notre héros, le film, raconté par un narrateur, change de langue. Presque multilingue, Grand Tour passe ainsi du portugais à l’anglais, en passant par le japonais, le vietnamien et le cantonais, tout en faisant un tour par le français. De loin l’une des plus grandes forces créatives du film.
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En effet, bien que directement inspiré des films des années trente, notamment par sa bande originale, ses effets de montage, sa colorimétrie volontairement monochrome ou encore sa mise en scène, le film de Miguel Gomes s’amuse néanmoins à prendre des libertés narratives et scénaristiques. On pense tout particulièrement à ses anachronismes volontaires (qui peuvent, hélas, en déstabiliser certains). Audacieux, Grand Tour est indiscutablement une fiction décalée, tout en restant très théâtrale dans sa mise en scène. On s’attache aisément au personnage Edward dans la première partie, mais plus particulièrement à Molly et son amie Ngoc (Lang-Khê Tran), par la suite. Nous suivons une héroïne d’un optimisme maladif (et au rire particulièrement communicatif), qui, petit à petit, va changer du tout au tout, lorsque la réalité de la situation reprend le dessus.
Une réalisation audacieuse
Du côté de sa réalisation en général, Grand Tour mise avant tout sur son authenticité de film d’époque et sur sa créativité. À l’image d’une capsule temporelle, le film de Miguel Gomes respecte les codes de l’époque en tout point. À l’exception bien sûr de ses quelques libertés évoquées plus haut, comme ses anachronismes et ses quelques plans en couleurs.
Bien que l’aspect monochrome puisse en décourager certains (les clichés ayant la vie dure), Grand Tour est un long-métrage assez bien rythmé, voir un peu étrange par moments. Bien qu’allant trop vite par moments, au grand dam de certains éléments clés du récit, ce long-métrage réussi son pari de nous faire voyager sans bouger de notre siège ! On apprécie également la qualité des plans et des décors, à la fois sobres, mais diablement efficaces. Le tout, au service d’une mise en scène ludique et bourrée de bonnes idées ; on pense notamment à l’amitié naissante entre Molly, parlant portugais, et Ngoc, parlant français.
Avec Grand Tour, Miguel Gomes signe un long-métrage audacieux, à la fois créatif et bourré de bonnes idées. Le tout, porté par un casting admirable au service d’un récit qui ne se prive pas de quelques libertés. Véritable road-trip amoureux aux quatre coins de l’Asie, le tout, dans le plus grand respect esthétique des films d’époques, Grand Tour, embarquera sous son aile les amateurs du genre, mais laissera, hélas, les plus sceptiques du genre sur le bas-côté.
TITRE ORIGINAL : Grand Tour
GENRE : Aventure et comédie dramatique
TECHNIQUE : Prise de vues réelles
DURÉE : 2h09
PAYS : Portugal
DATE DE SORTIE FR : 27 novembre 2024
RÉALISATION : Miguel Gomes
AVEC : Gonçalo Waddington et Crista Alfaiate
PRODUCTION : Uma Pedra no Sapato et Vivo Film
DISTRIBUTEUR FR : Tandem / Shellac