Aftersun : L’étrange mélancolie sous le soleil

Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années : qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ?

Pour son nouveau long métrage, la cinéaste Charlotte WELLS nous fait voyager en Turquie avec la jeune Sophie et son père Calum. Mais au-delà d’être un simple voyage entre un père et sa fille, Aftersun est un retour dans le passé. Un retour qu’on pourrait presque considérer comme une quête pour savoir ce qui se planait réellement au-dessus de cette relation père-fille. Aftersun est un film intriguant où la double lecture est de mise.

L’histoire d’un bonheur finissant

Le film se déroule officiellement vingt ans après ces vacances d’été passées en Turquie, où à travers les vidéos de son caméscope, Sophie se remémore avec mélancolie ces fragments de vie, permettant au spectateur de rapidement poser la temporalité du récit.

Avec seulement deux protagonistes, Charlotte WELLS nous offre une histoire profonde, intrigante et parfois angoissante. Jouant avec la double-lecture et des messages sous-jacents, on ressent entre Sophie et Calum une relation père-fille qui cache derrière ces faux sourires l’angoisse et le mal-être de nos protagonistes dès le début du film. Que ce soit Sophie, entrant dans l’adolescence commençant à se poser de nombreuses questions ou encore Calum, qui, derrière son image de père loufoque, protecteur et toujours proche de sa fille, cache en réalité un mal-être intense où certaines de ses intrigantes actions nous angoisse au plus haut point, comme s’il hésitait à mettre fin à ses jours à chaque instant.

Aftersun, un film de Charlotte Wells.
Aftersun, un film de Charlotte Wells.

Avec Aftersun, la cinéaste remet en question le lien paternel de son héroïne, qui essaye de découvrir plusieurs années plus tard qui était l’homme qu’elle avait le sentiment de ne pas connaître. Celui qui ne laissait pas transparaître sa souffrance, qui restait protecteur, qui se mentait à lui-même. Avec subtilité, la réalisatrice ne nous montre pas ce qu’il s’est passé entre la fin de ces vacances et le moment où Sophie, adulte, se remémore ses souvenirs via le caméscope de son père. Impossible donc de déterminer ce qu’il s’est passé pour Calum peu après que la jeune Sophie soit retournée chez sa mère, après le soleil.

Fragments de vie pour une réalisation complète

La réalisation est probablement l’une des grandes forces du film. Dès le début, Aftersun nous accueille avec le rembobinage d’une cassette, et s’ouvre sur l’un de ces fragments de vie capturés naïvement par la jeune fille. On y aperçoit Calum avec déjà une certaine peine au visage, dévoilant sa psychologie. Aftersun jongle entre les instants du passé, parfois capturés par Sophie, le présent, ainsi qu’une intrigante séquence presque symbolique qui apparaît bien souvent.

Outre les moments de vie, la cinéaste insiste sur les scènes de flottement, souvent à travers de très longs plans. Permettant d’accentuer les émotions, qu’elles soient minimes ou fortes. Comme les longs moments de complicités, d’échanges, de gêne ou de vide. Le tout sous couvert de dialogues tantôt chaleureux et robotiques, tantôt stoïque. Tout comme l’ensemble, ce mélange nous offre un résultat intriguant et hypnotique. On appréciera la prouesse de Paul MESCAL (Calum) et Frankie CORIO (Sophie) qui forment ce duo père-fille avec brio. Une prouesse d’autant plus appréciable sachant qu’il s’agit du premier rôle de la jeune Frankie.

Aftersun, un film de Charlotte Wells.
Aftersun, un film de Charlotte Wells.

Intrigant et symbolique sont les deux mots clés pour décrire la photographie de Aftersun. La composition des plans arrive constamment à faire ressortir Sophie et Calum, même avec la foule de leur hôtel. De par leur nature, nous comprenons et nous arrivons à les distinguer, tant ils s’en détachent. Nous ne pouvons qu’être intrigués par les plans sous-jacents de Calum. Parfois les longs plans sur sa personne, ses actions qui angoissent au plus haut point, nous donnent l’impression du pire à chaque instant. Comme s’il hésitait à passer à l’acte à tout moment, mais qu’il reste malgré tout fort pour sa fille.

L’atmosphère globale du film de Charlotte WELLS est constamment en opposition sur son propos. Créant une certaine confusion entre les personnages, leurs actions et cette sensation de fin tournant autour d’eux, malgré les moments de joies qu’ils vivent. Aftersun est une intrigante mélancolie froidement chaleureuse, et émouvante qui ne laisse pas indifférent. Et dont la fin laissera volontairement le doute dans la tête du spectateur. Charlotte WELLS laisse le spectateur construire la suite des événements en lui faisant parvenir quelques subtils indices.

Aftersun, un film de Charlotte Wells.
Aftersun, un film de Charlotte Wells.

Avec Aftersun, la cinéaste Charlotte WELLS nous offre une intrigante mélancolie chaleureusement froide. Avec au cœur du film, deux personnages sentant leur bonheur se conclure définitivement. Jouant avec brio sur sa photographie et la symbolique de ses plans, Aftersun exploite la double-lecture pour mettre en avant le mal-être de ses personnages. De la découverte de l’adolescence et de la vie pour la jeune Sophie à la souffrance profonde de son père Calum. Sous ses faux airs de feel good sous le soleil des vacances, Aftersun est un film intriguant et bouleversant.

TITRE ORIGINAL : Aftersun
GENRE : Drame
TECHNIQUE : Prise de vues réelles
DURÉE : 1h42
PAYS : Grande-Bretagne, USA
DATE DE SORTIE FR : 1er février 2023
RÉALISATION : Charlotte Wells
AVEC : Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall
PRODUCTION : Pastel et Unified Theory
DISTRIBUTEUR FR : Condor Distribution
© TURKISH RIVIERA RUN CLUB LIMITED, BRITISH BROADCASTING CORPORATION, THE BRITISH FILM INSTITUTE & TANGO 2022

Konata Nekoyama aime

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